A l’heure de mettre sous presse, le pape François se trouvait toujours à l’hôpital Gemelli, à Rome. Son état s’améliorait légèrement, selon la Salle de presse du Saint-Siège dont les annonces sont attendues dans le monde entier. Ce n’est pas la première fois que la santé d’un pape inquiète.


Des bougies devant l’hôpital Gemelli, le rosaire récité sur la place Saint-Pierre, des prières partout dans le monde: les catholiques se font du souci pour le pape François, hospitalisé depuis le 14 février en raison d’une pneumonie bilatérale. Aux dernières nouvelles (lundi 10 mars), sa situation incitait ses médecins à la prudence, quand bien même ils faisaient état d’une légère amélioration. Le pape poursuivait sa thérapie respiratoire et motrice ainsi que sa physiothérapie. Son état de santé intéresse également les médias, comme celui de ses prédécesseurs, notamment Paul VI, Jean Paul Ier et Jean Paul II.

Un long chemin de croix 

Pas de pape à l’hôpital! Paul VI est opéré de la prostate au palais apostolique, au Vatican. KEYSTONE

L’élection du successeur de Jean XXIII en 1963 s’inscrit dans une dynamique de continuité. Intellectuel ouvert mais à la personnalité plus classique que son prédécesseur, Paul VI, 65 ans, est un homme délicat à la santé fragile qui fut dans sa jeunesse dispensé de séminaire en raison de ses fragilités physiques. Après un démarrage spectaculaire marqué par la poursuite du concile Vatican II et sa tournée en Terre Sainte – le premier voyage d’un pape en avion –, son pontificat connaît une phase de déclin à partir de 1970: Paul VI ne publie plus aucune encyclique ni n’effectue aucun voyage à l’étranger. 

Souffrant d’arthrite, il se trouve régulièrement contraint à utiliser la chaise à porteur lors des audiences. Malgré un certain rebond de sa popularité lors du Jubilé de 1975, les dernières années de son pontificat ressemblent à un chemin de croix, les profonds bouleversements de la société s’accompagnant de nombreuses défections dans le clergé. Totalement épuisé, Paul VI se rend en juillet 1978 à Castel Gandolfo où il s’éteindra le 5 août, à 80 ans, agonisant dans la même chambre que Pie XII vingt ans plus tôt. A l’époque, l’hospitalisation du pape ou son passage dans un service de soins intensifs semblait inimaginable: onze ans plus tôt, c’est au sein même du palais apostolique du Vatican qu’il avait subi une opération de la prostate ayant nécessité un complexe dispositif chirurgical.

Un décès inopiné

L’élection du cardinal Albino Luciani le 26 août 1978 est celle d’un homme reconnu pour sa bonté, sa pondération et une certaine timidité. «Avoir comme pasteur de l’Eglise universelle un homme d’une telle bonté et d’une foi aussi lumineuse était la garantie que tout irait bien. Lui-même était surpris et prenait la mesure du poids de ses responsabilités. On voyait bien qu’il avait un peu souffert à cause de cela. Il ne s’attendait pas à être élu. Ce n’était pas un homme qui cherchait à faire carrière», écrira bien plus tard le cardinal Joseph Ratzinger, futur Benoît XVI.

Elu à 65 ans, Jean Paul Ier apparaît relativement jeune, gage d’un pontificat pouvant durer quinze ou vingt ans, voire plus. Le monde catholique vit donc un séisme en apprenant sa mort 33 jours plus tard. Le pontife est retrouvé dans son lit, officiellement décédé de cause naturelle en raison de ses fragilités cardiaques. Des rumeurs d’assassinat circuleront au fil des années suivantes, mais ce pontife éphémère avait lui-même évoqué ses problèmes de santé. «Le pape que vous avez devant vous a été hospitalisé huit fois et a subi quatre opérations», avait-il affirmé lors d’une audience publique.

Son frère Eduardo Luciani confiera en 2006 dans un entretien au magazine populaire Chi que Jean Paul Ier avait pressenti sa mort: «Après son élection, il ne cessait de faire allusion au fait qu’il s’en irait bientôt. Comme s’il savait pertinemment ce qui allait arriver». Son bref pontificat fut marqué par la mort subite le 5 septembre, en pleine audience, du métropolite orthodoxe de Leningrad, Nicodème. L’évêque de Rome en fut durablement secoué, d’autant plus que dans ce contexte de guerre froide la venue au Vatican d’un responsable ecclésiastique d’Union soviétique était un événement considérable.

Une agonie en mondovision

Elu en 1978 à 58 ans, Jean Paul II est un homme sportif et doté d’une condition physique rassurante pour des cardinaux fatigués par la convocation de deux conclaves successifs. Mais l’attentat du 13 mai 1981 marque un tournant: visé par Mehmet Ali Agça, le pape reçoit une balle dans l’abdomen, une autre lui éraflant plus superficiellement le coude et lui fracturant l’index. Le transfert du pape polonais à la polyclinique Gemelli se fait dans des circonstances rocambolesques au milieu des embouteillages romains. Il est le premier pape hospitalisé.

Jean Paul II salue la foule de sa chambre de l’hôpital Gemelli un mois avant sa mort en 2005. KEYSTONE

La balle n’a pas atteint d’organes vitaux et sa vie est sauvée, mais il contracte un cytomégalovirus dont il sortira très affaibli et qui lui vaudra d’être à nouveau hospitalisé à l’été 1981. Cet attentat peut aussi être considéré comme une cause indirecte des maux ultérieurs qui l’affaibliront à partir des années 1990 et conduiront certains médias à spéculer sur sa mort imminente. «Le pape se meurt», titre ainsi le Courrier International en 1994.

Après avoir interrompu son intervention en raison d’un malaise survenu lors de la bénédiction de Noël du 25 décembre 1995, le pape est finalement opéré en octobre 1996 d’une appendicite qui l’avait fait énormément souffrir durant de longs mois.

Les tremblements et les problèmes de mobilité et d’élocution de Jean Paul II l’affaibliront considérablement au fil des années, même si le Vatican ne publiera jamais de diagnostic officiel d’une maladie de Parkinson évidente. Malgré sa souffrance, le pape montre beaucoup de résistance et d’humour, rebaptisant ironiquement «Vatican numéro trois» l’hôpital Gemelli en raison de ses fréquents séjours – il y passera plus de 120 nuits – et assurant que pour prendre des nouvelles de sa santé, il lui suffisait de lire les journaux.

Du 1er au 10 février 2005, Jean Paul II est hospitalisé au Gemelli pour une laryngite. Il y retourne le 24 février après avoir reçu le sacrement des malades et subit une trachéotomie. Le retour définitif du pape au Vatican, le 13 mars, ouvre une dernière séquence éprouvante. C’est un pape incapable de s’exprimer et secoué par des spasmes douloureux qui bénit la foule depuis la fenêtre des appartements pontificaux, les 20, 27 – jour de Pâques – et 30 mars. Après une lente agonie suivie par le monde entier, Jean Paul II s’éteint le samedi 2 avril 2005, à la veille du Dimanche de la divine miséricorde qu’il avait institué cinq ans plus tôt.

Collaboration avec Cyprien Viet, I.MEDIA.