Les 24 et 25 janvier, Rome a connu son premier grand rassemblement de l’année sainte: le Jubilé du monde de la communication a attiré 10’000 professionnels du monde entier. Mais cela fait déjà un mois que des pèlerins marchent vers Saint-Pierre pour obtenir l’indulgence plénière et se faire témoins de l’espérance.


Cet hiver romain ressemble à un printemps. Le soleil caresse les pins de la via Appia et le thermomètre qui affiche une quinzaine de degrés. Il n’y a pourtant pas foule ce 23 janvier près du château Saint-Ange peu avant midi. Si plus de 500’000 personnes ont franchi la Porte sainte de la basilique Saint-Pierre dans les dix jours qui ont suivi son ouverture le 24 décembre, le jubilé démarre plutôt tranquillement. «Il y a encore peu de monde la semaine», constate une bénévole à l’accueil. Dans les commerces des rues environnantes, on attend le printemps, et Pâques en particulier.

De parfaits inconnus se regroupent pour une marche et une démarche collectives. JEF

Deux pèlerins sont assis sur le bord de la grande fontaine qui rafraîchit la nouvelle piazza Pia. Pablo et Adriana, 62 ans, sont venus d’Argentine exprès pour le Jubilé. Parce que leur foi est importante et qu’ils espèrent se rapprocher davantage de Dieu en effectuant le pèlerinage à Saint-Pierre. Mais, comme il s’agit d’une démarche collective, ils doivent attendre que d’autres pèlerins isolés s’annoncent à l’accueil, s’équipent du petit feuillet contenant psaumes et prières et les rejoignent pour constituer un groupe. Au bout d’une dizaine de minutes de patience, ils sont une quinzaine. L’un des derniers arrivés, peut-être envoyé par la Providence, est un prêtre italien qui pourra présider le pèlerinage.

On cherche un volontaire pour porter la croix. «Vous pourrez vous relayer. Jésus a porté la sienne seule», annonce un bénévole revêtu d’une chasuble verte. Une femme se propose. Le bénévole ouvre alors la barrière qui donne accès au couloir aménagé tout au long de la via della Conciliazone qui mène à la place Saint-Pierre. Suivant la croix, les pèlerins se mettent en marche en lisant des psaumes: «Quelle joie quand on m’a dit: ‘Nous irons à la maison du Seigneur!’».

Les pélerins s’approchent de la basilique en priant la Vierge. JEF

En marche vers Saint-Pierre

Les barrières s’ouvrent sur leur parcours, interrompant les allées et venues perpendiculaires des touristes et des Romains. Une exception, toutefois, au croisement avec la via della Traspontina: Moïse a peut-être séparé la mer Rouge, mais fendre la circulation à Rome lorsque le feu est au rouge est une affaire risquée. La marche reprend après cette courte pause, bientôt au rythme des litanies. «Santa Maria, Madre di Dio», entonne le prêtre. «Priez pour nous», répond un couple de Français. Cela fait dix ans qu’il se promettait de se rendre à Rome. «Nos fils nous ont dit: ‘Cette fois, vous y allez’», raconte le mari. Le jubilé semblait une bonne occasion de réaliser ce projet.

Le groupe marque un nouveau temps d’arrêt pour arriver au bout des litanies – «Jésus, Fils du Dieu vivant, de grâce, écoute-nous» – avant de passer par l’étape peu liturgique des détecteurs de métaux. De l’autre côté des portiques, tous se rejoignent, la porteuse de croix est relayée et l’on chante un dizainier en approchant la basilique. Au sommet de l’escalier, un bénévole interroge le prêtre: le groupe a-t-il prié le psaume 23? Non, pas encore. C’est une obligation avant de franchir la Porte sainte. «Portes, levez vos frontons, levez-les, portes éternelles!», proclament donc les pèlerins avant de reprendre leur mouvement, souvent avec leur Smartphone dans la main. Le passage par la Porte sainte est immortalisé sous le regard bienveillant des membres de l’association des saints Pierre et Paul qui assurent un service d’ordre.

De l’autre côté du seuil, la Vierge de Michel-Ange tient le corps du Christ dans ses bras. A peine lui est-il adressé un coup d’œil, car la marche ne prend pas fin derrière la porte. On prie aux intentions du Saint-Père avant de se rendre, toujours en procession, près du tombeau de saint Pierre pour y professer sa foi. Le prêtre peut alors donner sa bénédiction. Le temps est un instant comme suspendu dans cette immense église, puis l’Italien se ressaisit: «Oh, merci. Merci. Merci à tous».

Indulgence et espérance

A condition de s’être auparavant confessés – cela était par exemple possible la veille dans la basilique – et d’avoir communié, les pèlerins ont obtenu avec ce pèlerinage une pleine indulgence. Non seulement leurs péchés sont pardonnés, mais les séquelles de ces péchés sont aussi effacées. S’ils ont prié pour obtenir cette indulgence plénière pour des défunts, ces derniers voient la peine les séparant de l’entrée au paradis réduite ou annulée.


Chaque jour, des groupes processionnent du fond de la via della Conciliazone au tombeau de saint Pierre. Le samedi, toutefois, les chaises installées pour la messe que le pape présidera le lendemain contraignent les fidèles, dont Pietro, à s’arrêter un peu plus loin. Le jeune homme baise la croix qu’il a suivie en chemin avant de se signer. «C’est la première fois que je viens à Rome en tant que pèlerin. J’ai visité à nouveau tous les lieux du catholicisme, lentement, en priant, en réfléchissant. J’avais besoin de ce moment pour me préparer au sacrement de pénitence», explique le Sicilien qui vit dans le Piémont. Passer la Porte sainte a été pour lui le couronnement de ce week-end. Il est à présent non seulement prêt à reprendre le travail, mais heureux et apaisé, confie-t-il.

Adriana et Pablo sont venus d’Argentine pour ce pèlerinage à Saint-Pierre. JEF

Pèlerins et touristes déambulent autour de lui. Pietro parle de sa foi, de la nécessité de bâtir sa vie sur des fondations solides, de la communion des saints et de la prière les uns pour les autres. Et de Dieu qui «s’est incarné et ne nous laisse jamais seuls» – c’est là, souligne-t-il, que se trouve l’espérance. L’espérance: le thème retenu par le pape pour le Jubilé de l’année sainte 2025; François appelle tout fidèle à être un «pèlerin d’espérance».

Mais, en vérité, le pèlerinage ne s’arrête pas devant le tombeau de saint Pierre ou dans les autres lieux désignés. «On entre par la Porte sainte, mais il faut ensuite sortir, devenir témoin de l’expérience vécue», rappelait l’archevêque Rino Fisichella, coordinateur du Jubilé, à des journalistes francophones. Et le propréfet du dicastère pour l’Evangélisation de leur demander de communiquer l’espérance, un appel qui vaut pour chaque chrétien. «C’est un vrai défi, ajoutait-il, parce que nous ne connaissons pas suffisamment le langage de l’espérance et ce qu’est l’espérance.»