Il y eut des siècles qui étaient ceux des idées – comme le 18e et le 19e, même si toutes leurs idées n’étaient pas bonnes. Nous vivons un siècle de principes. C’est plus étriqué et moins généreux – de là, sans doute, le déclin de la religion. Mais, choses pratiques, le principe peut être contredit par un autre et on peut s’asseoir dessus. D’où l’étonnant enthousiasme de l’UDC devant l’accord de soumission passé avec des Etats-Unis qui ont pour mérite, essentiel à ses yeux, d’être d’Amérique et non d’Europe. L’arrivée de 500 tonnes de bœuf (aux hormones?) et de 1500 tonnes de volaille (chlorée?) a tant réjoui le parti qui dit défendre les agriculteurs qu’il a diffusé son communiqué de presse de louanges deux heures avant le Tweet annonçant la déclaration d’intention. Il y a de quoi rire, et ça tombe bien parce que, contrairement aux OGM de l’oncle Sam, c’est bon pour la santé, comme disait un vrai conseiller fédéral libéral.
Les Etats-Unis taxeront les produits suisses à 15% et non 39%, c’est plutôt une bonne nouvelle. On le doit notamment à des grands patrons qui ont gâté l’enfant roi de la Maison-Blanche. Ça confine à la corruption, ça ressemble à de la prostitution, c’est de la flagornerie la plus vile. Mais nos emplois ne valent-ils pas un coucou coûteux? Cela se discute. On voit mal comment les pharaoniques 200 milliards de dollars d’investissements suisses promis outre-Atlantique (en trois ans!) pourraient ne pas engendrer la délocalisation de quelques places de travail…
Il est de toute façon prématuré de sabrer le champagne. La Suisse a victorieusement baissé son pantalon, mais il manque encore un accord entérinant cette façon d’effacer la précédente déculottée. La Suisse s’est certes glorieusement abaissée devant un «juge étranger» – expression du facétieux rédacteur en chef de la La Liberté François Mauron –, elle reste soumise à ses caprices. Le deal tiendra-t-il? Si on est en droit de compter sur le Père Noël pour garnir le sapin, il est prudent de faire quelques achats soi-même. L’économie suisse a tout à gagner à développer d’autres marchés et le monde politique à soigner ses clients moins tyranniques.