L’humilité passe par les humiliations. C’était, révèlent des témoignages, ce que certains chanoines de Saint-Maurice assénaient à des confrères pour justifier les bassesses qu’ils leur infligeaient. Ironie de l’histoire, cette déplorable antienne vaut aujourd’hui pour l’abbaye. Dont le péché premier, tout désigné, est le péché originel: l’orgueil. Tiré de sa longue histoire – quinze siècles, c’est lourd à porter et ça peut monter à la tête. De là la certitude d’être au-dessus du lot, par conséquent à l’abri de tout tracas. Il n’y avait qu’à taire les fautes des uns et les crimes des autres, et s’ériger en citadelle assiégée en cas de révélation publique. Cela a duré des décennies. Jusqu’à l’effondrement du temps présent.

Il faut souhaiter que le retrait définitif de l’abbé désormais émérite Jean Scarcella, à la fois renonciation et renoncement, marque un réel point de rupture. Oui, l’abbaye valaisanne a besoin d’une nouvelle dynamique. Elle le doit à ses victimes, trahies par les chanoines qui les ont violentées, trahies par les abbés qui se sont presque toujours tus, trahies par une communauté parfois complaisante. Le pardon qu’elle demande, et les chanoines en bons confesseurs doivent le savoir, ne peut être sincère que s’il s’accompagne d’une volonté de s’amender. Et même d’un peu plus que d’une volonté. L’abbaye, qui a trop détourné les yeux, le doit aussi à Dieu, vers qui son regard devrait toujours être tourné.

Peut-elle en vérité prendre la mesure de ses fautes et revoir son fonctionnement afin de prévenir toute dérive? Elle a demandé un rapport à un groupe de travail indépendant; Mgr Scarcella s’est retiré, dans un geste à saluer qui compense l’erreur de son absence à la présentation dudit rapport et de son retour en fonction. Cela permet d’espérer une prise de conscience. Encore faut-il que les écailles tombent des yeux de tous les chanoines. Condition fondamentale pour rendre possible le long et lent chemin de conversion nécessaire à la communauté si elle entend réaliser sa vocation pluriséculaire: mener vers Dieu les fidèles et les hommes pour qui elle prie nuit et jour, et non les en éloigner par des comportements indignes.