L’Eglise catholique continue de se confronter à son passé, que lui rappelle par exemple l’abbé Pierre. Les réformés quant à eux se tâtent sur l’attitude à adopter. Mais la crise des abus et les polémiques qui ont émaillé l’année n’empêchent pas les catholiques de croire en l’avenir de l’institution.

Cette année ne pouvait pas échapper aux polémiques: elle s’ouvrait sur celle déclenchée mi-décembre 2023 par la déclaration Fudicia supplicans autorisant la bénédiction des couples en situation irrégulière. Certains dénoncent les «sorties de route éthiques» du pape qui s’efforcera plusieurs fois, encore en mai, d’apaiser les esprits: il autorise la bénédiction des personnes et non des couples, par exemple de même sexe. Que François fâche en juin en utilisant à deux reprises un terme vulgaire pour désigner les hommes homosexuels. Nouveau débat. Mais les polémiques ne sont pas l’apanage de Rome. Ancien évêque de Coire, Mgr Vitus Huonder fait grincer des dents après son décès survenu en avril: il préfère le cimetière de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X à Ecône (VS) à celui de sa cathédrale. Certains voient rouge ou rient jaune, tandis que le bleu devient la couleur de la colère à Paris. Un tableau de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques d’été se moque du christianisme, accusent les évêques de France, en singeant la Cène de Léonard de Vinci. Les organisateurs louvoient, des esprits s’échauffent. Puis tout se calme.

Toujours les abus

Car les catholiques français – et romands – ont d’autres préoccupations en ce mois de juillet. Un rapport sur l’abbé Pierre, décédé en 2007, fait état de propos graveleux, de gestes déplacés, de baisers imposés; il est suivi d’une vague de nouveaux témoignages. C’est un choc. Emmaüs prend ses distances. Les abus ne plombent pas que l’Eglise catholique. En novembre, Justin Welby démissionne pour donner un signal alors que l’Eglise anglicane, dont il est le chef, est accusée d’avoir couvert 130 cas avant 2010. L’Eglise évangélique allemande annonce en janvier 9355 abus depuis 1946 – c’est bien plus que redouté. Cela fait réfléchir l’Eglise évangélique réformée de Suisse qui songe à réaliser un sondage dans la population en général. Son synode rejette l’idée en juin. Les catholiques poursuivent leur introspection. Le diocèse de Sion, embêté par la situation du curé de Saint-Maurice – qui cesse de s’alimenter pour retrouver le poste dont il a été écarté et qu’il finit par quitter peu après l’avoir réintégré –, doit améliorer son accueil des victimes. Son évêque, Mgr Jean-Marie Lovey, est blanchi des accusations de dissimulation portées contre lui, comme Mgr Charles Morerod à Fribourg; Rome ne retient rien contre Mgr Jean Scarcella, abbé de Saint-Maurice, soupçonné de gestes déplacés. Une réprimande leur est cependant adressée.

Vers l’avenir

Mgr Markus Büchel, évêque de Saint-Gall, démissionne de sa charge en août, ayant atteint l’âge de 75 ans. Son remplaçant n’est pas encore désigné, mais les fidèles réclament un nouvel évêque proche du peuple, courageux et ouvert. Pour certains, il devra aussi être favorable à l’ordination des femmes. Une thématique que, dans sa dernière étape à Rome en octobre, le synode sur la synodalité n’aborde pas. Mais l’Eglise doit réfléchir à leur donner la possibilité de devenir diacre, dit le document final, approuvé tel quel par François. L’essentiel n’est pas dans les espoirs qui ont pu être déçus ni dans les décisions qui auraient pu être prises, mais dans la culture du dialogue qu’a apportée l’exercice, disent les participants à cette étape finale. Après trois ans de travaux, l’Eglise est toujours en chemin. Elle peut continuer de s’appuyer sur ses paroissiens: même si les abus provoquent des sorties d’Eglise et si 34% des Suisses se disent sans religion en janvier déjà, une étude montre en fin d’année que ceux qui s’engagent en Eglise, qu’elle soit catholique ou réformée, restent fidèles au poste.

Des catholiques bâtisseurs
Ni les polémiques ni les révélations ne découragent les catholiques de Suisse romande. Qui s’appuient sur une belle histoire – Genève fête les 200 ans de la naissance du cardinal Mermillod, Fribourg les 100 ans de sa cathédrale et les 5 ans de la canonisation de Marguerite Bays. Et qui vont de l’avant: les traces de l’incendie qui a ravagé le Sacré-Cœur à Genève en 2018 sont effacées et l’église accueille à nouveau des fidèles en juin. Elle est aménagée autour d’un axe alignant l’ambon, l’autel, le baptistère et la croix. A Lausanne, l’Espace Maurice Zundel ouvre ses portes, église urbaine désireuse de répondre aux besoins spirituels à quelques pas de la gare. En Valais, Yves Crettaz apporte une pierre numérique: il lance en avril Imani, une agence de communication au service des paroisses.