Le 21 avril, pour beaucoup, c’était simplement les vacances de Pâques. Pour le Vatican, c’était la vacance du siège apostolique. Deux périodes pareillement différentes du quotidien, un moment où tout ralentit, où tout s’arrête presque: les vacanciers s’efforcent d’oublier leur charge du temps ordinaire tandis que les responsables de la curie perdent purement et simplement la leur. S’ouvre dans les deux cas un entre-temps hors du temps, comme si Alphonse de Lamartine avait enfin obtenu ce qu’il réclame avec des accents déchirants (ou larmoyants) depuis deux siècles: le temps suspend son vol.
Bien sûr, autant nos jours de repos peuvent être épuisants, autant les choses ont bougé autour de la place Saint-Pierre. Les fidèles se sont pressés, les cardinaux ont accouru. On a parlé, prié, l’esprit occupé, peut-être préoccupé. Cela n’a pas empêché l’Eglise de marquer une sorte d’arrêt. Oui, les médias avaient commenté le bilan du Saint-Père et épluché le CV des candidats à sa succession avant même que son dernier souffle ait atteint les cieux. Mais l’Eglise a imposé son rythme – sa lenteur proverbiale n’est pas toujours un mal – fait de recueillement suivi des novemdiales. Novemdiales? Le mot est charmant, la tradition est belle: neuf jours pour pleurer le pape, neuf jours pour prendre congé de lui, neuf jours pour faire mémoire – et pour s’interroger sur la suite, aussi. On ne nous en donne pas autant à la mort de nos parents…
Il est beau de voir qu’entre le moment où un pape expire et celui où l’Esprit inspire les cardinaux électeurs, l’Eglise prend le temps de respirer calmement, s’accorde un instant pour souffler. Ce soin qu’elle prend d’elle pour ne rien précipiter, pour fermer un chapitre avant d’en ouvrir un autre, ne devrions-nous pas nous aussi nous l’accorder? Comme L’Angélus de Millet au milieu des champs, comme les dix minutes de lecture du bon pape Jean, comme un regard qu’on laisse se perdre dans le vague. Non pour fuir, mais pour mieux reprendre sa tâche ensuite. N’ayons pas peur de nous octroyer, de temps en temps, et pourquoi pas quotidiennement, un bref mais heureux temps de la vacance.