Il n’y a pas de démocratie possible sans éducation. C’était la conviction de Tomáš Masaryk, premier président de la République tchécoslovaque, exprimée dans une sorte de testament de 1934 révélé à Prague le 19 septembre. On y lit entre autres ceci: «Si les gens ne sont pas formés et sont idiots, on ne peut pas faire grand-chose. Les gens sont ravis d’être idiots – ne leur rendez pas la chose facile, et argumentez avec eux». Il faut discuter. Y compris avec ceux qui ne le souhaitent pas. Cette idée résonne aujourd’hui en rendant un son d’autant plus vibrant que nous en éprouvons les limites avec des dirigeants «ravis d’être idiots».

Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre et on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif: les valeurs auxquelles nous sommes attachés et dont nous sommes à juste titre convaincus des vertus pour les hommes se heurtent donc à des murs. Dix-huit paquets de sanctions – un dix-neuvième a été présenté le 19 septembre – n’ont pas freiné les velléités destructrices et mortifères de Vladimir Poutine. Les appels plus timides au respect du droit international n’ont pas détourné les dirigeants d’Israël de leur intention de bâtir «Sion dans le sang et Jérusalem dans la perfidie», formule empruntée au prophète Michée (Mi 3, 10). Les explications économiques n’ont pas plus de succès face aux caprices douaniers de Donald Trump.

Parce que nous croyons au dialogue, c’est-à-dire à la voie diplomatique, à la justice, c’est-à-dire à la primauté de règles établies, et à la dignité humaine, c’est-à-dire au respect de la vie, nous sommes empruntés, démunis. Face à un agresseur, nous ne pouvons pas envisager de répondre par la brutalité. Nous essayons de convaincre, en respectant nos valeurs et autrui, sans succès auprès de ceux qui n’en ont cure. Et qui nous voient dès lors comme des faibles, non comme des saints ou des modèles. Mais peut-on prendre les armes pour réclamer la paix, être violent pour obtenir la justice? Les événements actuels nous imposent de nous poser cette question délicate dont la réponse ne pourra, d’une manière ou d’une autre, qu’être insatisfaisante.