«Espère, espère, et espère encore», exhorte le pape dans Espère (en vente à l’Echo), «la première autobiographie jamais publiée par un pape de son vivant», du moins depuis celle de… François l’an dernier. En un peu moins de 400 pages, il livre une synthèse de sa pensée. C’est son legs au monde.

Si l’original est en italien, le livre du Saint-Père est sorti simultanément dans différentes langues dans 80 pays. JEF

Il y a le projet personnel et il y a les circonstances. Ces pages, personne n’aurait dû les lire avant la mort du pape venu du bout du monde. Mais une année sainte placée sous le thème de l’espérance et le besoin de délivrer un message d’espérance, justement, ont poussé François à transmettre dès à présent l’héritage qu’il souhaite laisser.

Cet héritage est celui de la simplicité, du désir de paix et de l’action. On peut voir là les grands axes de cet ouvrage qui mêle éléments biographiques et réflexions, souvenirs d’enfance et de jeunesse et gestes pontificaux. A l’émigration de ses grands-parents et de son père en Argentine en 1929 répond sa visite à Lampedusa en 2013. Les pauvres – à qui l’on ne pardonne rien, «pas même leur pauvreté» – et les migrants sont sa première préoccupation dans Espère (Albin Michel, 400 pages); son premier souci, «la mondialisation de l’indifférence» qui fait que nul n’est responsable. «L’indifférence est une agression», tonne-t-il.

Dans cette autobiographie écrite avec l’éditeur Carlo Musso, parue il y a une dizaine de jours, François se montre dans une humilité qu’il serait malhonnête de voir feinte. «Je suis un pécheur. C’est la définition la plus juste», écrit-il. A plusieurs reprises, il souligne des fautes de jeunesse. Des actions commises sans y penser, des rejets que lui-même ne s’explique pas. «Quand je me suis rendu compte de ce que j’avais fait, j’ai pleuré»: avoir pu parfois réparer ses torts semble compter parmi ses plus grandes joies. Des nombreuses erreurs qu’il souligne avoir faites, il a appris «beaucoup, et durement».

«Ha ha! allez, salut»

François aime marcher. À Buenos Aires, il lui arrivait aussi de prendre le métro. KEYSTONE

Ce pape qui commence par demander qu’on prie pour lui après avoir simplement dit bonsoir à la foule massée place Saint-Pierre n’est pas à l’aise avec sa renommée; elle ne lui est pas due. Il est, lors du conclave de 2013, conscient de pouvoir influencer des votes, «mais rien de plus». Un cardinal lui dit qu’il pourrait être pape. François rit. «Ha ha! allez, salut, et bonjour chez toi.» Il y voit une plaisanterie, tout au plus une simple gentillesse. Il s’ennuie lors de la lecture des votes, préférant dire son rosaire. Il est calme au moment d’accepter, puis garde en son cœur cette phrase d’un cardinal lors d’une embrassade: «N’oublie pas les pauvres».

Les pauvres qui souffrent particulièrement de la guerre. Celle-ci revient à de multiples reprises tout au long de cet ouvrage avec des larmes, des jugements sans appel – «Quiconque fait la guerre est mauvais» – et des constats amers: «Ces trente dernières années, il s’est révélé plus facile de sortir vivant d’un conflit quand on porte l’uniforme que le tee-shirt rouge d’un enfant». Les enfants, victimes de ces massacres inutiles, victimes des abus – «Dissimuler, c’est ajouter de la honte à la honte» – et des injustices, «ont le regard de Dieu». Il faut parler aux jeunes, recevoir leurs questions qui «vous mettent en difficulté» et leur «ouvrir une porte», leur «faire entrevoir un horizon».

Le temps d’agir

Climat, intelligence artificielle, conflits en tous genres, cléricalisme, égoïsme: rien ne nous est épargné et le pape n’épargne rien à son lecteur. Mais son ouvrage est parsemé de sourires et de bonne humeur, parce que «toute mon existence est imprégnée de l’espérance». Une espérance qui dit que «la paix est possible», mais qui n’est pas naïve. Il ne suffit pas d’espérer, il faut «mettre les mains dans le cambouis», réclame le Saint-Père. Il est apparu au balcon de Saint-Pierre le 13 mars 2013, et il en est descendu. Parce que «ne pas vouloir faire l’histoire, regarder la vie et le monde depuis son balcon, c’est un comportement de parasite».

Vivre c’est lutter. L’espérance doit être alimentée «avec la force des gestes». «Il suffit d’une seule femme, d’un seul homme pour qu’il y ait de l’espoir, et tu peux être cette femme ou cet homme», écrit le pape qui compte sur les chrétiens. Son livre est un appel à lutter avec courage et avec tendresse et à prendre la relève, car il n’est «qu’un passage».