Premier prêtre ordonné – c’était le 6 juillet – dans le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg depuis un an, l’abbé Marc-Olivier Girard est désormais vicaire à Renens (VD). Et un vicaire enthousiaste, heureux de partager la grâce qu’il a reçue.
Le sentiment qui habite Marc-Olivier Girard est si fort qu’il s’étonne que son corps n’explose pas: «C’est un miracle que ma structure osseuse tienne par rapport à l’amour que je reçois». Un amour qu’il est heureux de transmettre, s’étonnant de ce bonheur qui lui est donné de le faire. «J’ai la grâce de pouvoir entrer dans une chambre d’hôpital auprès d’un enfant qui souffre ou d’être accueilli chez une personne âgée pour lui donner le sacrement des malades au nom du Christ. Je peux passer ma vie à communiquer aux autres cette certitude que le Christ est mort et ressuscité pour nous. C’est complètement dingue!»
Le sacerdoce est le cadeau de sa vie, a dit le jeune prêtre lors de son ordination le 6 juillet à Renens (VD), et cela se sent. Et cela le porte. C’est pour lui une anticipation du royaume de Dieu qu’il espère trouver à la fin de sa vie en ayant conservé sa ferveur et reçu «un cœur large et généreux pour l’Eglise» à l’image de saint Philippe Néri dont le cœur était physiquement plus grand. Vicaire à Saint-François d’Assise à Renens où il a effectué son année pastorale, le natif de Lausanne connaît déjà la vie d’une paroisse qui peut présenter des aspects routiniers. «La prière aide à habiter le ministère et je pense qu’un cœur libre et ouvert permet de s’émerveiller devant des petites choses, comme le ferait un vieux moine devant des feuilles mortes agitées par le vent en automne, un rayon de lune à travers un vitrail aux complies ou le sourire gratuit d’un enfant.»
Un long chemin
On aurait tort de voir de la naïveté dans les élans du prêtre de 35 ans qui encourage, à la suite du curé d’Ars, à «aller vers Dieu comme un boulet de canon». Son enthousiasme n’est pas béat, mais profond. Grâce, entre autres, au temps que sa vocation a pris à se préciser même s’il a connu deux catéchismes, enfant d’une catholique et d’un protestant, et toujours fréquenté des groupes de prière et la messe avec sa mère et son frère.
L’abbé Marc-Olivier évoque un dessin animé sur saint Patrick évangélisant l’Irlande vu lors d’une retraite: «Le reste de la semaine, je me suis baladé avec une croix à la main que j’avais fabriquée avec deux bouts de bois». Il cite Moïse traversant la mer Rouge, saint Benoît et la vie monacale. Au terme de son cheminement, c’est la figure du saint curé d’Ars qui s’impose. Dont le cœur est exposé lors d’une veillée: «On priait pour les prêtres et je me suis dit: ‘Pas moi, quand même’. C’était trop pour moi. Puis ça a grandi dans mon esprit».
Des remises en question
Mais notre récit saute là quelques étapes. Entre autres une enfance et une adolescence marquées par l’épreuve, un baptême et une confirmation au sein de l’Eglise réformée, des messes pas toujours enthousiasmantes, un questionnement sur l’avenir. «En cours d’informatique, on se renseignait sur les métiers sur un des premiers moteurs de recherche. En me cachant un peu, j’avais tapé ‘pasteur ou prêtre’. La prof l’avait vu et m’avait dit: ‘C’est bien, osez’.» Tout en fréquentant les deux communautés, il opte pour l’économie et le droit au collège.
Juste avant d’entrer à l’université, il «heurte un mur»: le décès d’un ami dans un accident de parachute. Une «douche froide» à un âge où «on fait la fête, on court un peu les filles, on fait du sport». La mort de sa grand-mère l’affecte. C’est le temps des remises en question. D’un travail au CHUV pour financer ses études de sciences politiques teintées de philosophie après l’abandon du droit. «Je faisais du secrétariat administratif en neurosciences. On avait la grâce d’orienter les familles et de collaborer avec le personnel hospitalier. C’étaient des cas assez lourds qui m’ont fait réfléchir sur la beauté et la fragilité de la vie.»
Il cherche à approfondir sa foi. Un prêtre lui fait découvrir Charles Journet, «quelqu’un qui parle à l’intelligence». Comme il l’avait fait dans le monde réformé, il s’investit dans sa paroisse catholique à Lausanne. Jusqu’à entrer en pleine communion après un pèlerinage en Suisse centrale. «J’avais le sentiment très profond que cette étape allait engager toute ma vie.»
Réconfort et guérison
Et le voici prêtre quelques années plus tard. De manière visible avec un col romain parce que «c’est bien d’être reconnaissable et ça permet d’entrer en contact, même quand je vais faire des courses». Sans politiser cet habit, sans rêver à un statut que le prêtre n’a plus: «Nous ne sommes pas sur un piédestal. Les jeunes prêtres, nous connaissons le soupçon d’abus et de cléricalisme, mais nous n’avons pas connu l’Eglise triomphante».
L’Eglise qu’il connaît peut néanmoins être joyeuse, comme son ordination, «une fête pour des gens de toutes langues, peuples et nations, comme dit l’Ecriture», heureux d’accueillir un nouveau prêtre. Lui-même heureux d’être parvenu à dépasser ses peurs pour accepter la grâce du sacerdoce et désireux d’«avoir pour tous une parole de réconfort et de guérison». En suivant l’exemple du curé d’Ars jusque dans sa prière: «Je vous aime, ô mon Dieu, et mon seul désir est de vous aimer jusqu’au dernier soupir de ma vie»