Peu de catholiques connaissaient le cardinal Robert Francis Prevost au début du conclave le 7 mai. Quoique peu détaillées, quelques biographies parues dans la foulée de son élection à la succession de saint Pierre permettent de tracer les grands axes de sa vie avant qu’il ne devienne Léon XIV.

Robert Francis Prevost n’aurait sans doute pas été le choix des libraires. «Non ha scritto niente»: il n’a rien écrit, regrette le lendemain de l’élection un libraire romain. Sur ses vitrines, il a scotché les portraits imprimés de Léon XIV et de François. Ce dernier est toujours bien présent sur les rayons, où l’on trouve des cardinaux qui le sont resté: le Luxembourgeois Jean-Claude Hollerich (Trouver Dieu en toutes choses), le Marseillais Jean-Marc Aveline (Dieu a tant aimé le monde) – deux papabili – et l’Allemand Gerhard Müller (En toute bonne foi). Pour évoquer Léon XIV, on ne trouve qu’un ouvrage sur l’encyclique Rerum Novarum de Léon XIII. Mais, assure le commerçant, «des auteurs sont en train de transpirer sur sa biographie et ses pensées».
De fait, les premiers ouvrages paraissent la semaine suivante, avant même les cartes postales – «Je ne sais pas quand elles arriveront», regrette une vendeuse de souvenirs – et les timbres – il faudra attendre plusieurs mois, avertit une employée de poste – à son effigie: Léon XIV. L’apôtre de la paix (Salvator, 164 pages) et Léon XIV. Le successeur inattendu (Artège, 160 pages). Ces livres portent davantage sur le conclave et les défis à venir que sur la vie du pape, mais ils tracent néanmoins les grandes lignes de son parcours.
Une jeunesse américaine
Né le 14 septembre 1955, il grandit dans une famille catholique installée à Dolton, dans la banlieue sud de Chicago. Sa mère, Mildred, est une bibliothécaire investie dans la vie de la paroisse; son père, Louis, militaire puis directeur d’école, est longtemps catéchiste. La table familiale accueille régulièrement des prêtres, parfois des évêques. Cet environnement est propice à l’éveil et à la culture de la foi. Le petit Robert Francis aime à jouer au prêtre, se souviennent ses deux frères dans leurs confidences aux médias. «La planche à repasser était l’autel», dit John, tandis que Louis raconte que son frère lui courait après pour lui donner la communion. Inscrit à l’école paroissiale à l’âge de 5 ans, il devient enfant de chœur.
«Adolescent américain sage et sans histoire, qui grandit paisiblement en discernant sa vocation», selon Samuel Pruvot dans Léon XIV. L’apôtre de la paix, il étudie au petit séminaire des augustins jusqu’en 1973 et décroche quatre ans plus tard un bachelor en mathématiques à l’Université Villanova (Pennsylvanie), qui revendique son lien avec les valeurs des augustins – vérité, unité et amour. Sur son site internet, elle montre deux photos de Robert Francis Prevost le jour de la remise du titre de docteur honoris causa qu’elle lui a décerné en 2014.
Le vœu d’obéissance
En 1977, il entre chez les augustins. En 1978, il prononce ses premiers vœux et obtient un diplôme en théologie à Chicago. Ordonné prêtre à Rome en 1982, l’année suivant sa profession solennelle, il obtient une licence en droit canonique à l’Université pontificale Saint-Thomas-d’Aquin en 1984. C’est alors qu’il est envoyé au Pérou.

Il connaît toutes les peines et les joies de la mission – ce qui ne lui ôte pas le goût de la recherche: il rédige une thèse en droit canon en parallèle. Dans les contreforts des Andes, il occupe des fonctions administratives tout en étant actif pastoralement sur le terrain, apprend la langue locale, fonde une paroisse dont il est le premier curé. «On a l’impression qu’il a le don d’ubiquité», écrit Samuel Pruvot qui énumère les différentes fonctions occupées lors de ses deux séjours péruviens interrompus par quelques mois à Chicago.
En 1999, il est élu provincial de l’ordre de Saint-Augustin dans le Midwest américain, deux ans avant d’être élu prieur général, son activité prenant alors une dimension mondiale. En 2014, François le nomme administrateur apostolique du diocèse de Chiclayo, au Pérou, et évêque du lieu l’année suivante. Plus tard nommé membre du dicastère pour les Evêques, il lui est demandé d’en prendre la tête en 2023. «J’ai toujours fait ce qu’on m’a demandé de faire», écrira-t-il sur le site de son ordre religieux: par obéissance, il quitte le Pérou pour Rome.
Humble et à l’écoute
Si d’aucuns lui reprochent sa gestion de certains cas d’abus au Pérou ou en tant que responsable des augustins – le diocèse de Chiclayo a contesté toutes les accusations –, le cardinal Prevost est décrit comme un homme calme et humain. Capable de trancher lorsque des décisions doivent être prises, mais à l’écoute des autres. On le dit aussi humble et attentif aux laïcs et aux femmes, auxquels il a donné davantage de place lors de son ministère au Pérou; il est l’un des premiers à avoir nommé des femmes à des postes de direction de son dicastère, a fait remarquer Helena Jeppesen-Spuhler, déléguée des évêques suisses au synode, à nos confrères de cath.ch.
Dans les médias et sur les réseaux sociaux, sa vie se dévoile par petites touches: on le voit à cheval pour visiter ses paroissiens, assister à un match de baseball des White Sox de Chicago ou chanter Feliz Navidad – le monde entier a pu apprécier son courage vocal le 11 mai lorsqu’il a entonné le Regina Caeli seul face à la foule massée sur la place Saint-Pierre. L’homme dans l’habit blanc reste à découvrir, et réserve sans doute encore bien des surprises.