Le Valais et Fribourg sont les seuls cantons romands dont la ligne téléphonique pédiatrique est payante. Comment s’explique cette différence et pourquoi ces cantons facturent-ils deux francs la minute les appels des parents inquiets pour leur enfant alors que d’autres utilisent un numéro gratuit?

Aller ou non aux urgences? L’appel à une ligne pédiatrique, gratuit selon les cantons, oriente les parents. KEYSTONE

Trouver un pédiatre un 26 décembre à Sion était pratiquement impossible. Il ne s’agissait pourtant pas d’un jour férié. Mais dans un canton qui voit sa population doubler durant les fêtes de fin d’année et nombre de ses cabinets pédiatriques fermer au même moment, les parents dont l’enfant était malade ce jour-là n’avaient d’autre choix que de contacter le numéro de la ligne pédiatrique cantonale.

Or, contrairement aux autres cantons romands où ce type d’appel est gratuit, la Kids hotline en service en Valais depuis 2019 est payante: deux francs la minute avec un plafond de 30,50 francs. Lequel est vite atteint: l’infirmière répondant au téléphone doit ouvrir un dossier, écouter le parent lui exposer le problème, reconstituer l’historique médical du petit patient, prodiguer des conseils et, si la situation l’exige, orienter les parents vers les urgences. Comme l’indique l’indicatif 0900, il s’agit d’un numéro premium bloqué par certains opérateurs en raison du surcoût qu’il engendre. Les parents concernés doivent alors se rabattre sur un téléphone fixe ou emprunter le portable d’un proche. Pas évident si l’état de l’enfant inquiète, qu’il s’agisse d’une urgence vitale ou non – le coup de fil à la Kids hotline doit d’ailleurs permettre de clarifier ce point. Cette prestation n’est pas remboursée par l’assurance maladie de base.

Trop d’appels

Pourquoi avoir opté pour cette Kids hotline payante – gérée de Berne par une entreprise privée – alors que Genève, Vaud et Neuchâtel disposent tous d’une ligne cantonale gratuite pour ce type d’urgence? La médecin Sabine Indermaur, représentante de la garde pédiatrique à la commission cantonale de la garde, répond de son cabinet de Sierre en précisant qu’il n’est pas exact de parler de gratuité: «Ce service coûte par exemple dans le canton de Vaud un franc par habitant prélevé sur les impôts, soit plus de 800’000 francs par an». Concernant la longueur des appels, dit-elle, c’est la loi qui dicte la marche à suivre à l’infirmière lorsqu’elle ouvre un dossier médical qui sera conservé vingt ans. Et pour ce qui est du numéro premium, la pédiatre relève que son blocage a été décidé par le Tribunal fédéral pour lutter contre le blanchiment d’ argent en 2020, soit après le lancement de la Kids hotline. «Le problème concerne surtout les touristes et nous n’avons pas encore trouvé de solution.»

Avant 2019, reprend Sabine Indermaur, la ligne pédiatrique de l’Hôpital du Valais n’arrivait plus absorber les appels (15’000 par an selon le communiqué de presse de l’époque). «Avec le temps, cette tâche a fini par mobiliser l’équivalent de trois infirmières à plein temps alors qu’il ne revenait pas à l’Hôpital de remplir cette mission.» Raison pour laquelle une convention de collaboration a été signée avec un centre de compétence en télémédecine ayant le statut de cabinet médical, Medi24, propriété du groupe Allianz Partners, l’une des plus grandes compagnies d’assurance et d’assistance au monde. «Nous sommes allés à Berne pour voir comment travaillait Medi24. Des assistantes médicales et des infirmières répondent aux appels à toute heure, sept jours sur sept, dimanche et jours fériés inclus. Elles suivent un protocole informatisé qui génèrent des questions selon la situation, un système jugé beaucoup plus sûr qu’une assistance téléphonique standard. En cas de doute, elles peuvent faire appel à un médecin.» Ce qui est difficile à comprendre pour les patients, note Sabine Indermaur, c’est qu’il ne s’agit pas d’un numéro de conseil médical, mais d’une ligne de tri où on indique aux parents si leur enfant peut attendre avant de voir un pédiatre où s’il est préférable de le conduire immédiatement aux urgences.

Les urgences, ça coûte

Quand une maman préoccupée appelle son pédiatre et que l’infirmière passe une dizaine de minutes à lui expliquer ce qu’elle doit faire, le service n’est facturé ni à l’assurance ni au patient. «Pourtant, cela a bel et bien un coût: depuis que l’hôpital du Valais ne prend plus en charge ces appels, le public s’en rend peut-être davantage compte», fait remarquer la Valaisanne en songeant à quelques patients visitant les urgences plusieurs dizaines de fois par an. Reste que les assurés paient d’onéreuses primes maladie… Pourquoi ne pas rembourser ces appels? La réponse se trouve dans la loi qui n’exige pas des assurances qu’elles remboursent une consultation par téléphone si celle-ci n’est pas assurée par un médecin – et encore, dans certaines conditions bien précises.

L’Hôpital fribourgeois a signé un contrat avec Medi24 en 2015, suivi quatre ans plus tard par celui de Sion. KEYSTONE

Un problème de ressources

Seul autre canton romand à avoir recours à un numéro payant pour ses urgences pédiatriques, Fribourg a passé le cap en 2015. Là aussi, explique Catherine Favre Kruit, responsable de la communication de l’Hôpital fribourgeois (HFR), il n’existait pas d’alternative: «Nous avions un problème de ressources. La mission de nos infirmières en pédiatrie est de s’occuper des enfants hospitalisés, pas d’assurer une permanence téléphonique. Elles passaient du temps au téléphone au détriment de la prise en charge des petits patients». Sans oublier la question légale: «Aucun protocole de documentation n’existait pour les infirmières qui répondaient aux appels en plus de leur travail. Et si un conseil donné par téléphone avait des conséquences négatives sur la santé de l’enfant, quelle responsabilité devait porter l’HFR? Il fallait d’urgence clarifier la situation».

En tant que cantons bilingues, Valais et Fribourg devaient aussi trouver un partenaire capable de répondre en permanence en français et en allemand pour ne pas exclure une partie de leur population. Ce que peu de sociétés avec le statut de cabinet médical sont capables de proposer.