Alors qu’une nouvelle version colorisée du Lotus bleu sort, une biographie paraît sur le sculpteur Tchang Tchong-Jen (1907-1998). L’ami chinois d’Hergé ouvrit au père de Tintin de nouvelles perspectives sur l’altérité et la narration. Un jalon du neuvième art.

L’Echo et Tintin, c’est une longue histoire. Le lien quasi ombilical entre votre magazine et Hergé a duré un demi-siècle, de 1932 à 1983, quand l’Echo Magazine s’appelait encore L’Echo Illustré. Il a fait de lui le seul journal au monde à publier l’intégralité des 23 aventures de Tintin!

Ainsi l’Echo ne peut rester insensible à la parution du Lotus bleu dans une nouvelle version colorisée, aux vignettes bleutées et aux scènes nocturnes rehaussées. Se déroulant dans le Shangaï des concessions occidentales, le cinquième album de Tintin paraît d’abord en noir et blanc dans le Petit vingtième (d’août 1934 à octobre 1935). Il est ensuite mis en couleur en 1946. Il connaît désormais une nouvelle colorisation qu’éclaire encore mieux la parution d’une biographie de Tchang Tchong-Jen. Un personnage qui a joué un rôle clef dans la développement artistique et humain d’Hergé. Pourquoi donc?

Orient et Occident

ÉDITIONS MOULINSART/CASTERMAN

Via l’abbé Gosset, Hergé rencontre en 1934 ce sculpteur, peintre et aquarelliste chinois quand celui-ci étudie à l’Académie royale des beaux-arts de Bruxelles. Une amitié naît. Hergé remet alors en question ses préjugés sur la Chine: il ne voit plus «les autres» comme des figurants, mais comme des personnages à part entière. En parallèle, le bédéaste commence à se documenter en profondeur. Sa narration s’en trouve améliorée. Et sa ligne claire en ressort grandie. De fait, les tintinologues considèrent Le Lotus bleu comme un tournant dans l’œuvre d’Hergé, même comme son premier chef-d’œuvre.

Tout cela, on le retrouve dans Tchang Tchong-Jen. Artiste voyageur. De même que bien d’autres informations passionnante sur la vie d’un artiste qui n’eut pas l’existence facile quand il rentra en 1936 dans une Chine en proie à la guerre civile et à l’agression nipponne. Après avoir pu travailler sous le régime de Tchang Kaï-Chek, sa vie fut tout autre sous Mao. Long silence radio… Hergé désespérait de ne pas recevoir de réponses à ses lettres. Où était donc passé Tchang?

Enfin, en 1981, les deux amis se retrouvent à Bruxelles à l’initiative du journaliste belge Gérard Valet. Ce retour en Europe est un retour gagnant pour Tchang. Sa carrière en bénéficie grandement. Il reçoit des commandes importantes – les bustes de François Mitterrand, de Deng Xiaoping et du prince Rainier de Monaco – et s’établit en France. Il est enterré à Nogent-sur-Marne en banlieue parisienne. Une très belle histoire que tous les fans de Tintin et d’Hergé se doivent de connaître!