De guerres en élections et en catastrophes, l’année 2024 a fâcheusement donné l’impression que l’instabilité du monde rend son avenir géopolitique encore plus incertain. A l’avantage de qui? A priori des autocrates.

Deux longues ombres dominent l’année 2024: l’Ukraine et Gaza. Très meurtrière, apparemment sans issue, la guerre à l’Est se poursuit. De campagne d’hiver stérile en reprise printanière incertaine, Kiev annonce par moments reprendre du terrain. Mais cela ne dure pas. Plus la guerre s’enlise, plus elle tourne à l’avantage de Vladimir Poutine, réélu sans surprise le 17 mars pour six ans à la tête de la Russie avec un score soviétique. Son opposant le plus célèbre, Alexeï Navalny, décède dans une colonie pénitentiaire (en février) tandis que l’effort militaire de Moscou se voit seconder par 10’000 militaires nord-coréens (en novembre). Poutine est-il si fort que cela pour quémander de l’aide à Pyongyang?

Ukraine et Gaza

De plus en plus de voix estiment qu’il faut mettre un terme à ce conflit. Cette idée est reprise par le camp de Donald Trump, réélu le 5 novembre président des Etats-Unis d’Amérique face à la démocrate Kamala Harris. Ultra médiatisée, la campagne est le plus souvent hystérique, injurieuse et marquée par une tentative d’assassinat du républicain lors d’un meeting en Pennsylvanie en juillet. C’est la victoire d’une étrange alliance démagogique entre Trump, libéral conservateur isolationniste, et Elon Musk, transhumaniste libertarien riche comme Crésus. Désormais, le président ukrainien Volodymyr Zelenski tremble. Ses alliés le lâcheront-ils pour une «mauvaise paix» en 2025? Israël s’acharne à détruire le Hamas et y réussit en éliminant ses leaders: le n°2 al-Arouri (en janvier), le n°1 Ismaïl Haniyé (en juillet) et son successeur Yahya Sinouar (en octobre). La bande de Gaza en pâtit horriblement. Elle est un champ de ruines apocalyptique alors que la guerre s’étend au Liban durant l’été, où l’explosion des bipeurs choque. La propagande de l’Etat hébreu fait le forcing en cherchant à décrédibiliser l’UNRWA, l’agence onusienne d’aide aux Palestiniens. En vérité, Israël n’a jamais été aussi impopulaire et le spectre de l’antisémitisme rôde. Benyamin Netanyahou, qui a déjà de nombreuses casseroles judiciaires, est inculpé par la Cour pénale internationale pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre (fin novembre). Sans vergogne historique, il dénonce un «nouveau procès Dreyfus». La carte du Proche-Orient change cependant avec la chute du régime Assad (en décembre). C’est la fin d’une dynastie de fer qui régnait sur la Syrie depuis 1971. Il faut désormais tout rebâtir après 13 ans d’une guerre civile épouvantable.

Chine et Europe

Pendant ce temps, la Chine veille sur ses intérêts et Xi Jinping fait une tournée en Europe (mai) où la Hongrie de Victor Orbán lui déroule le tapis rouge. La mer de Chine, avec l’épicentre Taïwan, est toujours sous haute tension. Quand la flotte de Pékin fait des manœuvres, le Japon, les Philippines, la Corée du Sud et l’Australie frissonnent. En Asie, un autre homme fort, Narendra Modi, est reconduit au pouvoir lors d’élections législatives du 19 avril au 1er juin – c’est ce qu’il en coûte à l’Inde, «la plus grande démocratie de la planète». N’y a-t-il de la place que pour les autocrates? Si l’Argentin Javier Milei préfigure «Elon Trump», le Mexique élit pour la première fois une femme de gauche à sa tête en juillet, Claudia Sheinbaum. Mais la guerre contre la drogue continue d’entraver le développement de l’Amérique latine. Les stupéfiants gangrènent aussi l’Europe, notamment Bruxelles. Que fait l’Union européenne? Elle donne le sentiment d’un Vieux continent affaibli. L’Italie droitière de Giorgia Meloni tente d’exporter son afflux de migrants dans des camps en Albanie. Giflé aux élections européennes en juin, le chancelier allemand social-démocrate Olaf Scholz voit sa coalition imploser cinq mois plus tard: qu’a fait Berlin depuis le départ d’Angela Merkel? En Grande-Bretagne, ce n’est pas mieux: le Premier ministre conservateur Rishi Shunak quitte le 10 Downing Street (en juillet), remplacé par le travailliste Keir Starner déjà contesté. Cela fait beaucoup de gouvernements éphémères. Pour tant de problèmes, notamment écologiques, qui ne cessent de s’accumuler. Ce n’est ainsi pas un hasard si la COP29 de Bakou (en novembre) est un flop.

Les Jeux de Macron
La France d’Emmanuel Macron se débat avec ses maux. En dissolvant l’Assemblée nationale au soir d’élections européennes où l’extrême droite cartonne (en juin), le président tricolore va vers des législatives périlleuses. Après la grande crainte du Rassemblement national (RN) au premier tour, le camp macronien limite la casse et la gauche reprend des couleurs au second. Il faut ensuite attendre tout l’été avant que le gaulliste savoyard Michel Barnier soit nommé Premier ministre. Mais son gouvernement butte sur le budget: il est renversé par une motion votée par la gauche et le RN le 4 novembre. Où va l’Hexagone? Macron s’est consolé avec l’image flatteuse des JO d’été de Paris, en dépit d’une cérémonie d’ouverture qui fit polémique, et la réouverture de Notre-Dame de Paris. Mais la situation en Nouvelle-Calédonie, qui s’est enflammée en mai, ne s’est pas améliorée. Et la France qui se lève tôt continue de tirer la langue.