Mal connues à l’étranger, les pièces suisses ont le vent en poupe dans notre pays. Est-ce un bon investissement pour soi et ses héritiers? Interview de Jan Niklas Betz, responsable marketing de Swissmint, entreprise publique qui les frappe depuis 1848.

Il paraît que les Suisses ont l’âme de collectionneurs. Rechercher, comparer, compter et thésauriser feraient partie de l’ADN du pays. Pas étonnante, donc, la ruée de la population, dès 1968, vers les quatre types de pièces courantes en argent – de 1/2 à 5 francs – frappées les années précédentes. La raison de cet engouement était la décision du Conseil fédéral de ne plus les fabriquer en argent, mais en cupronickel. En cause, la flambée du cours mondial du ce métal précieux. Aujourd’hui, si sa valeur en bourse est à la baisse, l’intérêt pour les pièces en question demeure. Tout comme celui pour les monnaies en or. Afin de comprendre ce marché et la demande qui l’anime, nous avons rencontré Jan Niklas Betz. Allemand de 35 ans, il vit en Suisse depuis 2012 et a intégré Swissmint il y a quatre ans. Dans cet organisme qui compte 16 collaborateurs au total, son rôle est la promotion et la commercialisation des monnaies spéciales suisses.
Est-ce qu’il y a un profil type de client intéressé par les monnaies de Swissmint?
Jan Niklas Betz: Je dirais que nous avons deux principaux types de clients. Le premier est composé de vrais collectionneurs aux connaissances très poussées dans la numismatique. Tandis que le second inclut des personnes intéressées d’avantage par le profit. Ces dernières, par exemple, achètent chez nous des pièces au prix de 50 à 60 francs afin de les revendre par la suite en ligne pour 300 ou 400 francs. Une autre particularité est qu’environ 70% de notre clientèle sont des hommes, la numismatique étant un business plutôt masculin. Il est par ailleurs intéressant de remarquer que la fourchette d’âge de nos consommateurs, elle, est très large, allant de 20 à 65 ans, voire plus.
Avez-vous des monnaies d’investissement?
Non. Swissmint ne frappe pas de lingots ou de lingotins, mais uniquement des pièces commémoratives. N’oublions pas que, comparativement à ses grands voisins, la France et l’Allemagne, la Suisse est un petit pays avec un petit marché. C’est pourquoi on ne frappe qu’entre six et dix monnaies par an. Une ou deux sont en or, les autres sont en argent ou en bimétal (cupronickel et bronze d’aluminium). Ainsi, notre série de l’année 2025 comprend sept pièces en vente dont cinq en argent, une en or et une bimétallique. Parmi elles, la pièce de collection en argent dédiée au centenaire de la naissance de l’artiste Jean Tinguely et celle qui célèbre les pionniers de l’aviation suisse. La valeur nominale des deux est fixée à 20 francs.
Dans ces conditions, est-ce intéressant d’investir dans les monnaies suisses?
Oui, car le fait d’être un petit pays qui fabrique des pièces de qualité et en volume aussi limité les rend encore plus précieuses. Bien qu’actuellement nos produits ne soient pas très connus sur le marché international, leur visibilité grandissante risque de changer la donne dans un proche avenir. En tout cas, nous travaillons dans cette direction. D’ailleurs, notre récente participation à la plus grande foire numismatique du monde à Berlin (EM05/2025) en est la preuve. Notez que, grâce à son Vreneli 2025 en or, la Suisse a été le pays hôte de l’édition en question. Un honneur à la mesure de l’événement que cette pièce nationale à la valeur nominale de 100 francs commémore: le centenaire de sa première et unique émission (1925).

Quelles sont les pièces qui ont eu un succès immense ces dernières années?
Dans les monnaies anciennes, je pourrais citer le cas de cette pièce de 5 francs en argent de 1886. Elle a été vendue aux enchères à Genève en 2021 pour… 280’000 francs, prix du marteau. Et plus récemment, c’est la pièce en platine à la valeur nominale de 25 francs, qui a galvanisé le marché. Emise en 2022, elle a été commercialisée par Swissmint pour 799 francs. Aujourd’hui, elle se négocie à plus de 2500 francs. Bien entendu, ces prix ne concernent pas tous les produits. Toutefois, les consommateurs peuvent raisonnablement s’attendre à une plus-value moyenne de 15 à 20% sur la majorité des pièces acquises.
Que conseilleriez-vous comme cadeau à nos lecteurs pour les fêtes de Pâques?
Tout est une question de budget. Pour les bourses modestes, notre jeu de monnaies 2025 pourrait être une option intéressante. Il s’agit d’une médaille bicolore en cupronickel et bronze d’aluminium, avec le dessin en son centre d’un arbre de vie au milieu de constellations zodiacales. Ce produit coûte 50 francs. Une autre possibilité est notre monnaie en argent – CERN – qui sera émise le 22 mars au prix de 79 francs en qualité flan bruni et 25 francs en qualité normale. Quant aux budgets plus conséquents, je leur proposerais la pièce en or dédiée au bicentenaire de la Fédération sportive suisse de tir qui coûte 915 francs.
Vous-même, avez-vous acheté une pièce, et si oui, laquelle?
Absolument. J’en ai une seule: la Timemachine. Lancée en 2022, cette pièce en or était consacrée à l’industrie horlogère suisse. Aujourd’hui épuisée, sa particularité réside dans le fait qu’il s’agissait de la première pièce en or d’une valeur nominale de 25 francs. Sinon, j’ai pour habitude d’offrir des jeux de monnaies à tous mes amis. C’est un cadeau toujours très apprécié.
À l’ère du digital, croyez-vous à la survie de la numismatique?
Oui, parce que le digital c’est l’éphémère, alors que les monnaies sont des valeurs physiques. Qui plus est à caractère historique et sentimentale. Depuis 1848, Swissmint crée ces mini œuvres d’art pour, notamment, raconter différentes histoires, celles de la Suisse. Contrairement au digital, très vite oublié, celles-ci vont perdurer.