Les gens sont agaçants. Leur potentiel de nuisance semble tout particulièrement s’exprimer dans les transports publics: étalement des uns (et de leurs bagages), odeur de nourriture des autres, confidences téléphoniques largement partagées et musique de qualité discutable (ces gens n’ont jamais les mêmes goûts que nous) s’échappant de casques et d’écouteurs supposés diriger le son. A croire que ces gens ne souhaitent rien d’autre que nous tourmenter et nous voir prendre notre voiture pour les éviter!
On voit pourtant de jolies choses quand on prend le train (ou le tram ou le bus). En regardant par la fenêtre, par exemple. Il y avait, l’autre jour, sur un chemin de campagne, trois femmes se promenant dans une douceur printanière anticipée tandis qu’au bout de la même route de terre battue, son «L» bien en évidence à l’arrière du véhicule, un jeune homme apprenait prudemment à conduire. A l’intérieur du train, deux inconnus qui partageaient un même espace discutaient et l’un, photographe amateur, montrait à l’autre des clichés d’animaux sur son ordinateur. En descendant, un jeune homme offrit de porter les skis d’une dame chargée de deux valises. Tandis qu’un autre, sur le quai, rattrapait un touriste qui avait oublié un sac. Un soir dans un train, une jeune fille fit tomber sa bouteille: trois personnes se levèrent pour lui tendre des serviettes et l’aider à éponger le liquide répandu dans le couloir de la voiture.
Pourquoi vous raconter ces banalités? Parce qu’elles sont importantes en ces temps troublés où nous ne cessons de nous inquiéter. Pour le pape malade, rare responsable un tant soit peu raisonnable. Pour la fin du mois, peut-être difficile – il ne faut d’ailleurs pas oublier de remplir sa déclaration d’impôts. Pour le monde, qui semble ne plus tourner rond avec ses dirigeants imprévisibles et le retour au premier plan de la loi du plus fort. Dans ce contexte, voir les gens agaçants se comporter humainement doit nous rassurer. Ne dédaignons pas leurs actes beaux ou bons même s’ils semblent anodins: Donald Trump n’appartient pas plus à notre temps que l’enfant qui court pour faire voler son cerf-volant.