La situation géopolitique et économique mondiale pousse les banques centrales à acheter massivement de l’or physique. De plus en plus de privés font de même, histoire de ne pas perdre trop de plumes en cas de crise majeure. L’essentiel à savoir pour bien s’y prendre.

La Suisse détient le record du taux de réserves d’or par habitant. KEYSTONE


«Le meilleur moment pour investir dans l’or, c’était il y a vingt ans et le deuxième meilleur c’est maintenant!» Cette formulation truculente, détournant un proverbe africain sur le moment idéal pour planter un arbre, résume à merveille ce qu’il en est pour le fameux «métal jaune»… Guerre en Ukraine, raids israéliens meurtriers sur la bande de Gaza, élection triomphale de Donald Trump ou encore spectres d’une troisième guerre mondiale et d’une crise économique majeure… Rarement la situation géopolitique a été aussi explosive que ces derniers mois. Dans ce contexte, l’or demeure plus que jamais la «valeur refuge».

La demande pour le métal précieux a atteint un sommet historique en 2024 avec 4553,7 tonnes, selon le Conseil mondial de l’or. Et fin janvier, suite à une déclaration fracassante de Donald Trump sur les droits de douane, l’or dépassait brièvement les 2800 dollars l’once. Un record historique! Dans ce contexte, de plus en plus de particuliers se demandent si eux aussi feraient bien de miser sur cette valeur sûre. Mais la chose ne leur semble pas si simple. «Cela fait des années que j’envisage d’acheter de l’or physique pour pallier les gros coups durs que je vois déferler sur nous, mais plus je vois le cours augmenter et moins cela me donne envie, car j’aurais l’impression d’y perdre», confie Jean-François, genevois de 50 ans.

Résister aux crises

Le père de famille en est la preuve vivante: l’investissement dans l’or suscite pas mal de peurs et de questions, à commencer par celle-ci: «Comment s’y prendre lorsqu’on n’est pas spécialiste?». Antoine Ledu a analysé la chose avant d’investir une bonne partie de son épargne dans l’or. Ce Breton basé dans la région lémanique a fondé en 2018 le site internet et la chaine Youtube à succès «Apprendre, Préparer, Survivre» (APS), lesquels traitent des manières d’aller vers plus de résilience afin de traverser au mieux les périodes de «rupture de normalité».

Pour lui, comme pour les économistes de tout poil, «l’or fait partie de la base incontournable d’une épargne diversifiée car capable de résister aux pires crises». «Toute famille fortunée en possède. Il s’agit d’une sorte de bon sens financier que même nos ancêtres paysans avaient dans les campagnes d’avant l’industrialisation», rappelle ce quadragénaire qui a travaillé plusieurs années dans le domaine financier. 

Lui se positionne clairement dans une optique de sécurisation de son patrimoine plutôt que dans une démarche d’investissement spéculatif. Il déconseille donc de scruter le cours de l’or, car «cela pousse à adopter une attitude attentiste qui fait qu’on ne passe jamais à l’action d’achat», à l’instar de Jean-François. Il existe trois façons d’acquérir de l’or. Cela peut être de l’or physique; via des fonds spécialisés, soit de «l’or-papier»; ou en misant sur des sociétés minières susceptibles cependant de faire faillite un jour. La première option est donc de très loin la meilleure en termes de sécurité.

Des classiques qui inspirent confiance

Pour les pièces, Antoine Ledu recommande les classiques «régionaux», tel que le Vreneli. KEYSTONE

Sous quelle forme dès lors posséder de l’or physique? Il existe quatre options: des pièces, des lingots, des jetons et des bijoux ou autres objets en or. Pour les pièces, Antoine Ledu recommande les classiques «régionaux», tel que le Vreneli, cette célèbre pièce suisse de 20 francs démonétisée ou bien le célèbre Louis d’or français. «Ces deux valeurs sûres sont connues, reconnues et rapidement et facilement identifiables ne serait-ce que via une simple balance de bijoutier couplée à la mesure de leur cote. Dans nos pays, un Panda chinois suscitera infiniment plus de méfiance lors d’une vente de particulier à particulier…»

Les jetons, eux aussi faciles à stocker et à transporter, n’ont pas de valeur nominale ni de cours légal. Ils sont produits par des sociétés n’ayant de lien ni avec un gouvernement ni avec une monnaie officielle. En revanche, ils ne sont pas soumis à la même taxation que les pièces. Les lingots, avec numéro de série et certificat d’authenticité, contiennent au moins 99,5 % d’or pur. Ils servent à stocker de grosses sommes même si l’on trouve aussi des lingotins dès 1 gramme. Pour ce qui est des bijoux, Antoine Ledu les déconseille, car leur prix d’achat est bien supérieur à la stricte valeur d’or qu’ils contiennent et on y perd à la revente.

Au coffre, à la banque ou chez soi?

L’or physique peut s’acheter dans des banques, mais cela coûte bien plus cher que le prix du seul métal… Pour ne pas y laisser des commissions excessives, qualifiées de «primes» dans le jargon, mieux vaut acheter sur internet, selon Antoine Ledu. «C’est discret, simple et rapide à condition bien sûr de passer par un site réputé jouissant d’une excellente note sur un système d’avis vérifié. Dans ce cas, vous n’avez pas forcément à vous déplacer, car vous pouvez être livré à domicile ou par la poste.» L’entrepreneur déconseille en revanche de passer par les magasins d’achat et vente d’or «qui ont fleuri depuis la crise de 2008 et quasi uniquement spécialisés dans l’achat». Même remarque pour ce qui est d’acheter à un particulier, «car cela comporte de plus grands risques d’arnaques voire de braquages…».

Reste une dernière question cruciale: où stocker son or? Pour ce qui est de la sécurité, la question de prendre un coffre à la banque se pose et cela est possible dès 150 francs par an. «Pas la ruine, donc, mais le problème est qu’on n’a plus forcément accès à son bien en cas de grave crise comme on l’a vu pendant la Covid», met en garde Antoine Ledu. Des sociétés privées spécialisées of-frent également ce service, mais avec davantage de flexibilité. Elles aussi cependant pourraient ne plus être accessibles si une «grave rupture de normalité» survenait. Reste donc la solution de garder son or chez soi dans un ou plusieurs coffres habilement cachés. La chose redevient paraît-il de plus en plus pratiquée, mais dans ce cas-là, évidemment, le silence est d’or…