«Ça se bouscule déjà au portillon», s’exclame Eveline, une bénévole qui observe la porte d’entrée vitrée de La Lanterne, un lieu d’accueil animé par l’aumônerie œcuménique de rue à Neuchâtel depuis 2003. Quelques personnes attendent patiemment, en ce début de mercredi après-midi de décembre, l’ouverture du local au cœur de la vieille-ville. Comme à son habitude, le diacre réformé Jean-Marc Leresche initie une courte prière en compagnie des deux bénévoles du jour, Eveline et Marianne. «Merci Seigneur de nous aider à déposer ce qui nous pèse pour être pleinement à l’écoute des personnes qui viendront», murmure l’aumônier. Il accueille ensuite les premiers bénéficiaires du jour; quatre personnes prennent place dans la petite salle meublée d’une douzaine de chaises, de quelques tables ainsi que d’un espace cuisine. «Vous allez bien?», demande Marianne à une dame ayant l’âge de la retraite. «Oui, ça va, et quand ça va pas, on fait aller», répond-elle. «Ça c’est une bonne philosophie!» La bénévole lui offre un bol de bircher qu’elle a préparé pour les visiteurs, comme le fait chaque mercredi une des accompagnantes du lieu d’accueil.

«Les gens sont très gentils ici. Le lieu est convivial et l’atmosphère familiale», témoigne sa voisine de table et amie habitant à Peseux (NE) et qui vient depuis quelques semaines. Le lundi matin et le vendredi soir, les deux autres permanences de La Lanterne, lui conviennent moins parce qu’«elle n’est pas du matin» et qu’en hiver «la nuit tombe vite». Les deux femmes apprécient les sapins miniatures enneigés, les guirlandes et autres décorations de Noël qui égaient le local. «Qui est-ce qui regarde comme moi les films niais de Noël?», lance joyeusement Marianne. Une discussion tranquille s’engage sous la flamme bienveillante de la première bougie de la couronne de l’Avent. Un homme et son fils adolescent, des habitués, saluent l’équipe d’accueil et mangent rapidement leur bircher avant de repartir. «Est-ce que je vous inscris pour la fête du 20 décembre?», leur demande Jean-Marc. Réponse affirmative.

Sortir des murs

Le concept de La Lanterne est né à l’initiative de Frère Leo, alias Josef Egli, figure neuchâteloise du soutien aux personnes fragilisées à qui la Ville a dédié une plaque commémorative dans l’espace public. Membre de la congrégation des Frères des écoles chrétiennes et aumônier de rue décédé en 2007, il accueillait aussi chez lui les laissés-pour-compte, raconte Jean-Marc Leresche. Et eut tellement de succès qu’il donna une impulsion pour trouver un espace plus grand. Actuellement, les trois Eglises reconnues du canton – protestante, catholique romaine et catholique chrétienne – paient le salaire de l’aumônier, soutenu par douze bénévoles. Un animateur est présent en ville, rend des visites à domicile, dans les hôpitaux et dans les prisons. L’association Dorcas gère les aspects logistiques de cette aumônerie. «Il était important pour les Eglises d’être présentes en dehors des lieux de culte», explique Jean-Marc Leresche. La dimension spirituelle est principalement vécue dans la manière d’accueillir et d’écouter «au nom du Christ». «Certains disent que ce lieu est devenu leur paroisse», ajoute le diacre de l’Eglise réformée. Qui est lui aussi convaincu que l’Eglise doit «sortir de ses murs et prendre soin de ceux qui ne la fréquentent pas le dimanche».

Un public varié

«Est-ce que je peux venir à confesse?», demande une femme terminant le café offert. Ouvrant une porte verte marquée d’une croix au fond de la salle, Jean-Marc Leresche la précède dans une petite chapelle attenante: on peut s’y confier et s’entretenir plus sereinement avec un des bénévoles disponibles pour l’accueil. A La Lanterne passent des personnes souffrant d’addictions, de troubles psychologiques, de la solitude ou touchant l’assurance-invalidité. «Une éducatrice d’un foyer pour personnes en situation de handicap nous a contactés, car trois résidents cherchaient un lieu avec un ancrage spirituel où ils pourraient rencontrer d’autres personnes. Ils viennent tous les vendredis depuis deux ans», raconte le responsable. Pour Eveline, qui a aussi donné des cours de français à des prisonniers, «l’écoute est importante. Mais parfois les visiteurs n’ont pas envie de parler et ça va aussi». La Lanterne est toujours à la recherche de nouveaux dons et de bénévoles, et en particulier d’une animatrice de rue pour faciliter le contact avec des femmes notamment. La structure distribue aussi ponctuellement des bons alimentaires et des produits de première nécessité.

L’œuvre d’un compagnon

Le soir tombe sur le petit local encore éclairé. Une bénéficiaire évoque des relations familiales difficiles et une amie à qui on a diagnostiqué une sclérose en plaques. Marianne l’écoute et lui pose quelques questions. Toutes deux entrent bientôt dans la chapelle pour une prière d’une quinzaine de minutes. Comme chaque mercredi, Jean-Marc Leresche fera passer un livre où chacun inscrit les noms de ceux pour qui il souhaite prier. Le vitrail aux couleurs chaudes est déjà enveloppé par la nuit. «C’est l’un de nos compagnons de route qui l’a fait. Nous y tenons beaucoup», conclut le diacre.