Ce lecteur réagit à l’éditorial de l’Echo Magazine n°12 (21 mars) intitulé «Le bien peut être injuste».
Le combat entre le bien et le mal, la justice et le bien, est effectivement une façon de voir le problème. D’ailleurs, on ne cesse de se faire surprendre par notre monde: les échanges économiques n’ont pas pacifié la Russie, tout le monde applaudit au réarmement de l’Allemagne, même les plus pacifistes se transforment en va-t-en-guerre et les partis héritiers du fascisme, voire du nazisme, ont pignon sur rue. Mais peut-être est-ce parce que nous sommes entrés dans une nouvelle ère que nous n’avons plus les bons outils pour juger? Dans son livre 21 leçons pour le 21e siècle (2018), Yuval Noah Harari soutient que nos outils de pensée ne sont plus adaptés au monde global. Les interactions sont tellement nombreuses, les quatre dimensions (y compris le temps) tellement intriquées! Il montre par de nombreux exemples que l’on ne peut souvent plus trancher sans changer de référentiel. Même des outils simples et presque universellement reconnus comme les droits de l’Homme ne fonctionnent plus – aussi en raison de la versatilité morale de l’Occident en fonction des crises et grâce aux coups de boutoir des puissances anti-démocratiques aidés par les réseaux sociaux. D’un autre côté, vous avez raison de souligner que tenir uniquement compte de la population et de ses souffrances est une façon de rester compatible avec une certaine morale. Il me semble juste de dire, comme vous le faites, que «ce qui serait bien c’est que les habitants […] retrouvent paix et sécurité». Là où je ne suis pas de votre avis, c’est que je doute que les habitants d’une future Ukraine conquise par la Russie soient véritablement en paix et en sécurité. Et je doute de plus que l’Europe (au sens large) continue à vivre en paix et en sécurité si ce scénario se réalise. On pourrait simplifier la question, comme le font certains, en: êtes-vous Daladier ou Chamberlain, ou Churchill? Comme Yuval Noah Harari, je pense que les lunettes du passé ne font que brouiller la situation…