Le choix des photos Spécial
Une image, dit-on, vaut mille mots. L’humanité n’a pas attendu Paris Match et son slogan «Le poids des mots, le choc des photos» pour s’en apercevoir: les grimaces des portails des cathédrales du Moyen Âge en disaient assez long sur les tourments de l’enfer pour impressionner les pécheurs. Leur force venait aussi de leur rareté. L’habitude de voir des représentations de faces de démons déformées a sans doute contribué à diminuer leur valeur pédagogique.
De façon assez étrange cependant, même dans notre temps où elle surabonde, l’image continue de marquer les esprits. Elle est un outil de propagande. Songeons à Vladimir Poutine dont la galerie ressemble à une version virile de la vie de Martine: à la pêche, à cheval, jouant au hockey, prenant un bain d’eau glacée, etc. N’en rions pas, car cela ne lui est pas propre: beaucoup, sur les réseaux sociaux, choisissent, voire retouchent, avec soin la photo qu’ils publient selon ce qu’ils veulent montrer d’eux. A l’inverse, l’image des autres n’est pas toujours traitée avec bienveillance. Avons-nous souvent vu des photos montrant Donald Trump à son avantage?
Une photo n’est jamais neutre. Toute guerre – comme toute lutte – étant une guerre de l’information, elle est aussi une guerre de l’image. Ainsi, celui qui en partage une devient, parfois malgré lui, vecteur d’un message, et même de plusieurs messages puisque l’image est sujette à interprétation. Voyons-nous dans une image ce que ceux qui l’ont prise, transmise, choisie et diffusée ont vu?
Toute guerre est une guerre de l’information, donc de l’image.
Dans le climat tendu que nous connaissons, illustrer un article sur le conflit israélo-palestinien est aussi complexe que rédiger le compte-rendu d’un match de football dans lequel les supporters des deux camps trouveront un détail prouvant que le journaliste est partisan de l’autre équipe – la comparaison n’est pas aussi triviale qu’elle peut paraître. La couverture du numéro que vous tenez entre les mains montre le visage d’un homme dont le cadrage ne permet pas de déterminer s’il est israélien ou palestinien. Parce que cela n’importe pas. Son affliction est le seul message qu’il nous paraissait opportun de partager.