Nourrissons les hommes Spécial
Non, nous ne vivons pas dans des temps médiocres chargés d’administrer les acquis du passé. Certes, la peine de mort est abolie chez nous, comme le travail des enfants, et les femmes votent. Mais il reste du travail: la vie des aînés n’est pas aisée et des Suisses se privent encore de soins. Sans parler des questions éthiques, l’euthanasie et le droit à l’avortement par exemple, qui attendent toujours un débat de fond qui aurait permis aux tribuns de jadis de citer la Bible et les philosophes.
Ce lyrisme manque. Mais pas les sujets fondamentaux. C’est un peu déprimant; cela donne toutefois au nouveau Parlement l’opportunité de marquer l’histoire. Comme le fait l’Eglise catholique avec son synode, dont le rapport intermédiaire pourrait inspirer Berne. Le plus faible dont le bien-être constitue, selon la Constitution, la mesure de la force de la communauté est ce pauvre que les délégués catholiques du monde entier veulent mettre au centre de leurs préoccupations. Celui qui a besoin d’une aide matérielle et d’un regard qui lui conserve toute sa dignité.
La pauvreté et l’exclusion sont aussi le scandale de notre temps.
Cela fait songer à Saint-Exupéry qui, dans Citadelle, distingue l’urgent de l’important; la nourriture et l’abri d’une part, «l’amour et le sens de la vie et le goût de Dieu» de l’autre. La nourriture de l’âme, qui manque souvent dans notre société du divertissement, est plus importante que la nourriture du corps, qui manque parfois dans notre société de l’abondance, mais ne va pas sans elle. Cette «vie de l’esprit» – Saint-Exupéry encore – passe aussi par la culture, dont sont totalement ou partiellement écartées nombre de personnes. Par un handicap physique, social ou économique.
Il est réjouissant que des initiatives privées permettent d’approcher, sous une forme ou une autre, un accès universel à l’art comme d’autres remplissent des garde-mangers. On ne saurait toutefois s’en satisfaire. La pauvreté et l’exclusion, scandale des siècles précédents, sont aussi le scandale de notre temps. Devant cet échec, il ne reste qu’une chose à faire aux successeurs des illustres politiciens du temps passé: les surpasser. Qu’attendent-ils?