La sève des traditions Spécial
Il est possible aujourd’hui d’acheter un chatbot, compagnon virtuel soi-disant conforme à nos désirs les plus chers, comme nous le font miroiter des entreprises de la Silicon Valley. Vivre une relation artificielle, seul devant son Smartphone, est-ce vraiment ce que l’on peut souhaiter à un être humain? A l’opposé de ces aberrations technologiques, il est possible aujourd’hui de rejoindre la longue file des Agaunois qui attendent de pouvoir soulever avec fierté les reliques de leur martyr, saint Maurice. Les porteurs de traditions contactés tiennent le même discours: «Nous ne manquons pas de bénévoles!». Mais qu’est-ce qui, dans les traditions vivantes, peut bien attirer les Suisses?
Suggérons trois pistes. Une tradition – du latin tradere qui signifie transmettre – crée la communauté, mêle les générations, fait naître un sentiment d’appartenance qui assoit la confiance en soi et en la vie. Une tradition demande un certain temps: la durée de la mélodie d’un carillon valaisan, celle qu’il faut pour fabriquer des boîtes à musique et des automates vaudois ou encore celle nécessaire pour que tous les troupeaux d’une région descendent en plaine. Enfin, une tradition nous fait prendre conscience de notre juste place dans une histoire humaine bien plus longue que notre vie si brève. Et reconnaître ce que nous avons reçu. «Nous sommes comme des nains sur des épaules de géants», écrivait Bernard de Chartres au 12e siècle. Les traditions nous invitent donc à la communion, à l’ancrage et à l’humilité.
Les traditions sont les fidèles gardiennes de ce qui fait notre humanité.
Face à des technologies qui peuvent nous pousser à l’isolement, à nous détacher de la réalité et à nous croire tout-puissants, les traditions sont les fidèles gardiennes de ce qui fait notre humanité. Si la société était un arbre, elles compteraient parmi les racines indispensables à son développement. Dans Grains de sel d’un chrétien (L’Harmattan), le philosophe Jean Borella décrit ainsi le risque encouru si l’on se détache de ce qui nous a précédés: «Ainsi de la feuille d’un arbre, vivante à la plus haute cime, s’arrachant à la branche qui la porte pour rejoindre les racines, morte et desséchée». Choisissons ce qui nous maintient vivants.
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