Entre ici et ailleurs Spécial
Prague a la Moldau et Vienne a le Danube, Fribourg a la Sarine tandis que Berne a l’Aar, et Sion chante cette «vallée où le Rhône a son cours»: il n’est pas de ville honnête qui ne soit bâtie à proximité d’un cours d’eau, voie de communication ou rempart naturel. Nos fleuves et rivières, amis inamicaux lorsqu’ils débordent, font partie de notre histoire et de nos paysages et, plus que cela, reflètent les interrogations de notre temps, écologiques notamment. Longtemps corsetés dans leurs digues, ils tendent aujourd’hui à retrouver un cours plus naturel et leur force, productrice d’énergie, suscite l’intérêt comme, en cette saison, leurs chutes, gorges et méandres, plus rafraîchissants que nos places trop peu ombragées.
Nos préoccupations suivent ainsi le cours de l’eau, comme autrefois les navires de notre enfance, bouchons de liège et coques de noix, et radeaux faits de petit bois. Confiés aux ruisseaux qui font les grandes rivières, où s’en sont-ils allés? Peut-être ont-ils «touché les côtes désertes de la Bohême» qu’imaginait Shakespeare ou trouvé l’île «qu’il nous reste à bâtir» que souhaitait Brel, à moins que leur course folle ait été interrompue par l’un ou l’autre boucanier ou pirate estropié à la main en crochet.
En aval de nos cours d’eau se trouve tout un imaginaire.
Car en aval de nos cours d’eau se trouve tout un imaginaire qui fut le nôtre, et qui l’est encore. Les cartes de nos premiers romans marquant un trésor d’une croix dans le sable du marchand de rêves ne sont pas si éloignées de nos plans idéaux de retraite dorée en des lieux «où rien n’est important que de vivre» (Aznavour cette fois); un départ cependant est toujours un exil, on largue les amarres par beau temps mais le vent qui nous porte pourrait devenir contraire. Paradis espéré, l’île aux palmiers est peut-être l’enfer tant redouté...
«Les pieds dans le ruisseau» (Brel à nouveau) et la tête tournée vers de lointains horizons, l’Echo vous emmène deux mois durant entre ici et ailleurs, au fil de l’eau de nos rivières qui ne font que peu de vagues (pages 4 à 7) et d’île en île pour apaiser tout vague à l’âme (pages 28 à 31). C’est ça, l’été.