Ils fêtent le même Ressuscité Spécial

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  • Les Ruffieux devant leur espace de prière qu’ils appellent le coin de beauté. «Surtout quand ma femme y est», précise Noël. Les Ruffieux devant leur espace de prière qu’ils appellent le coin de beauté. «Surtout quand ma femme y est», précise Noël.

    Catholiques et orthodoxes ne célèbrent que rarement Pâques à la même date. Cela ne gêne pas Monique et Noël Ruffieux qui partagent leur vie de couple et de prière sans se préoccuper des différences entre leurs deux confessions. Et s’ils prolongent le carême, ils vivent deux fois Pâques.

    «C’est une soupe de carême, il n’y a que des légumes», annonce, prévenante, Monique Rueux. Mais il y aura ensuite du fromage, une exception qu’elle et son mari Noël s’autorisent ainsi que, de temps en temps, du poisson ou un œuf. «A notre âge, six semaines en mangeant uniquement des légumes et des fruits, c’est dicile, même si les orthodoxes se passent de tout aliment issu d’un animal pendant le carême», explique l’octogénaire.

    Monique est la catholique du couple, Noël l’orthodoxe – il est entré dans cette Eglise à 43 ans, en accord avec sa femme et ses enfants, après avoir eu des responsabilités au sein de l’Eglise catholique. Ils vivent depuis un mariage «interreligieux» – ils n’aiment pas parler de mariage mixte – et enrichissent mutuellement leur foi lors de leurs prières quotidiennes. Le soir, par exemple, devant des icônes et une croix orthodoxes installés dans un espace abrité par les escaliers de leur maison de Courtaman (FR).

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    Pâques à double

    Autour d’un café et de biscuits de carême à base de noisettes moulues, de pommes et d’épices, la discussion se tourne vers Pâques et sa date: cette année, les catholiques fêtent la résurrection du Christ une semaine avant les orthodoxes. «Rien n’empêche de fêter deux fois», sourit Monique Rueux. Et c’est ce que le couple fera: une première joie le 9 avril, une seconde le 16, avec un retour au jeûne dans l’intervalle. Solidaire, chacun prolonge son carême pour respecter celui de l’autre. «C’est un peu plus dur lorsque l’écart est de cinq semaines, plaisante Noël Rueux. Dans un tel cas, nous suivons trois semaines le carême catholique et trois semaines le carême orthodoxe.» La date de Pâques changeant chaque année dans les deux confessions, il arrive qu’elle soit la même dans les deux calendriers. Cela s’est produit pour la dernière fois en 2017, cela se reproduira en 2025. «On aurait pu saisir l’occasion de 2025 pour fixer une date unique à partir de là», regrette Monique Ruffieux, consciente que le climat ne s’y prête plus désormais. «Au vu de ce qui se passe aujourd’hui, il est impensable que l’Eglise russe renonce à une tradition qui est un marqueur identitaire», doit constater son époux dont les lecteurs de l’Echo lisent régulièrement le commentaire du dimanche. La date coïncidera trente fois au cours de ce siècle, mais il faudra ensuite attendre… l’an 2900.

    Au-delà des détails

    Il y aurait bien des choses à dire sur la fixation de la date de Pâques, qui nourrissait déjà des discussions passionnées au 2e siècle entre tenants de méthodes de calcul différentes. Noël Rueux cite les paroles d’Irénée de Lyon qui avait alors assuré que «la différence met en valeur l’accord dans la foi». Et c’est pour lui aussi cela seul qui compte, bien plus qu’une date, des préceptes de jeûne ou une façon de célébrer. «Il ne faut pas ergoter sur des détails quand on parle de Pâques. Il faut se demander si nous annonçons vraiment le Christ mort et ressuscité, si nous y croyons et si c’est un message essentiel pour le monde.»

    Le couple se souvient avec bonheur d’un feu commun aux chrétiens lorsque la date était commune: un brasier était allumé au centre de Fribourg dans l’après-midi du Samedi-Saint et les paroisses venaient y cueillir la flamme qui allumerait leur feu pascal. «Il y avait des catholiques, des orthodoxes et des protestants», se remémore Monique Rueux.

    Ce partage interconfessionnel occasionnel pour la plupart des chrétiens, les deux Fribourgeois le vivent au quotidien, et Pâques, qu’ils fêteront deux fois, les verra fréquenter les deux Eglises avec respect et intérêt pour les différentes traditions que leurs liturgies expriment. «Si on vit ces choses-là avec un peu de profondeur, et pas seulement comme des habitudes, les différences ne sont pas très importantes», résume Noël Rueux, la barbe sage et souriante. 

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