Les effets longs de Tchernobyl Spécial

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  • En 2000, on mesure le niveau de radioactivité en Biélorussie, pays voisin de la centrale de Tchernobyl. Il est toujours contaminé. En 2000, on mesure le niveau de radioactivité en Biélorussie, pays voisin de la centrale de Tchernobyl. Il est toujours contaminé.

    Plus de trente ans après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, les rayonnements ionisants ont encore un impact sur la santé des populations voisines. Selon l’oncologue bâlois Claudio Knüsli, la Suisse devrait être plus attentive aux conséquences des faibles doses d’irradiation.

    «Aujourd’hui encore, l’institut de protection radiologique Belrad enseigne à des mères des techniques pour cuisiner les aliments contaminés», affirme Catherine Lieber, membre du conseil d’administration de l’association française Enfants de Tchernobyl Belarus.

    Elle était invitée à Genève le 14 mars pour une conférence sur la radioactivité organisée par l’association Sortir du nucléaire Suisse romande. Au bout du fil, elle décrit le travail de l’institut Belrad pour lequel son association récolte des fonds: «Chaque année, l’institut mesure l’irradiation présente dans les aliments et la charge corporelle des enfants». En 2020, 70% des 11’000 enfants examinés présentaient une accumulation de césium 137 dans le corps «supérieure à la dose considérée comme admissible», précise la Parisienne.

    Le césium 137? Un isotope radioactif qui constitue, avec le strontium 90, la principale source de radioactivité des déchets des réacteurs nucléaires. Des éléments nocifs pour la santé. Mais la population rurale n’a souvent pas le choix: elle doit continuer à s’alimenter avec les produits de la forêt et des potagers. «Si les enfants sont trop contaminés, l’institut propose des cures de pectine, un produit qui permet d’éliminer le césium plus vite», explique Catherine Lieber.

    La Suisse aussi

    «Après trente ans, l’effet radioactif de cet isotope est encore de 50%», indique le docteur Claudio Knüsli, deuxième orateur de la conférence. Selon ce membre du comité des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire (PSR/ IPPNW), des études montrent que les cancers de la thyroïde ont été multipliés par vingt chez des enfants de populations rurales contaminées à travers l’inhalation et l’alimentation notamment d’iode radioactif.

    Pour Claudio Knüsli, les effets des rayonnements à faible dose sont sousestimés, voir ignorés: «Ils font le jeu du lobby atomique, car leurs effets sont difficiles à prouver statistiquement et peu d’études systématiques ont été menées dans les régions contaminées». Et de critiquer un «accord bâillon» entre l’Agence internationale de l’énergie atomique et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1959 empêchant la recherche scientifique indépendante sur cette question.

    La Suisse gagnerait à s’y intéresser, selon l’oncologue. «Même si nous sommes à 1600 kilomètres du lieu de l’accident, de faibles doses d’irradiation sont parvenues jusqu’ici», soutient Claudio Knüsli. Qui se souvient qu’après la catastrophe du 26 avril 1986, le Tessin avait imposé certaines restrictions alimentaires, notamment une interdiction de pêcher dans le lac de Lugano. «La dose de radiations accumulée pendant les vingt années suivant l’accident nucléaire pourrait avoir provoqué un cancer mortel chez environ 400 personnes résidant en Suisse.» 

    Les médecins suisses sont conscients du risque de ces faibles doses lors de radiodiagnostics médicaux et doivent respecter une législation stricte. On évite les radiographies de femmes enceintes: une dose fœtale de 10 millisieverts (mSv) – l’unité de mesure pour l’énergie transmise par l’organisme – augmente de 50% le risque de cancer infantile.

    15A EM13

    Politiques vs scientifiques

    Dans le domaine de l’énergie nucléaire cependant, on banalise ce risque, selon PSR/IPPNW Suisse qui a dénoncé en 2018 un relâchement des ordonnances. Sur une fiche d’information de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) datant de 2018, on peut lire: «Des évaluations statistiques effectuées sur de grands groupes de population montrent qu’aucun effet sur la santé n’est décelable pour des doses de rayonnement inférieures à 100 mSv».

    Cette affirmation scandalise Claudio Knüsli: «Elle entre en contradiction avec les connaissances scientifiques actuelles. Grâce au suivi des survivants de la bombe atomique, ainsi que des personnes irradiées lors des catastrophes de Tchernobyl et de Fukushima pour des doses inférieures à 100 mSv, des risques accrus de maladies cardio-vasculaires, d’infarctus du myocarde ou d’attaques cérébrales ont été décrits». PSR/IPPNW Suisse demande la révision de la fiche d’information de l’OFEN. Le 17 mars, la conseillère nationale écologiste Isabelle Pasquier-Eichenberger a déposé une interpellation demandant au Conseil fédéral la mise à jour des normes concernant les doses de radiations admissibles. Des questions loin d’être anodines à l’heure où l’état de la centrale de Zaporijjia inquiète et où la Suisse doit revoir son approvisionnement en énergie.

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