Quand la bande-son s’arrête Spécial
A quoi ressembleraient nos vies si nous évoluions dans une comédie musicale? Si quelques pas de danse accompagnaient nos déplacements, si les percussions nous remettaient dans le rythme lorsque nous faiblissons, si les violons nous aidaient à verser les larmes nécessaires dans les moments de peine et si les cuivres soulignaient succès et bonnes nouvelles? Elles seraient sans doute différentes si le John Williams de La Guerre des étoiles et de Jurassic Park se chargeait de mettre en musique chacun de nos jours avec des éléments de surprise, des leitmotivs et un thème constant pour nous porter.
Un auteur aujourd’hui oublié du signataire avait tenté de mettre un roman en musique, d’y ajouter un supplément d’atmosphère sinon d’âme en indiquant en tête de chapitre un morceau à écouter pour en accompagner la lecture. On peut se prendre au jeu et se demander, rétrospectivement ou à chaque instant: quelle serait la musique de ce moment?
L’orchestre a cessé de jouer, son silence en dit long.
Il apparaît cependant bien malaisé de déterminer la bande-son des derniers jours, marqués par le rapport sur les abus dans l’Eglise catholique et ses nombreuses répercussions, jusqu’ici médiatiques. C’est peut-être à cela qu’on peut évaluer le désarroi ou, pire, le désespoir: lorsque plus aucune musique n’est adaptée. Lorsque même les pièces les plus tristes et les accents les plus révoltés ne semblent rien pouvoir exprimer. L’orchestre a cessé de jouer, son silence en dit long. Et il est effrayant.
Il faut relancer la musique. Une vraie musique, faite d’harmonies riches et complexes et non de notes suraiguës, isolées, trompetées en retard dans une inutile cacophonie; parce qu’il ne s’agit pas de réagir – c’est aisé –, mais de continuer à agir, et en profondeur. Des symphonies festives ont longtemps masqué de bien mauvais arrangements; il faut retravailler l’orchestration. Pour qu’au sortir du silence, lorsque reviendra – et il faut qu’elle revienne! – l’envie d’écouter de la musique, l’air de l’Eglise ne soit pas éternellement celui, plus ou moins contrit, plus ou moins contraint, du Miserere, mais la joie éclatante des grandes orgues.
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