Une Eglise en mutation Spécial

Écrit par 
  • Publié dans Religion
  • L’Eglise a aussi besoin de compétences autres que théologiques, assure Suzy Favre. L’Eglise a aussi besoin de compétences autres que théologiques, assure Suzy Favre.

    Pour la première fois, l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud va officiellement accueillir, le 2 septembre, des animateurs d’Eglise. La reconnaissance de ministères non ordonnés s’inscrit dans un processus de transformation de la façon d’être Eglise.

    35A EM35 LargeQuelques jours plus tôt, Suzy Favre faisait le tour des dents du Midi, un groupe de sommets emblématiques de la Vallée d’Illiez voisine, avec une dizaine de jeunes. Elle vient d’ailleurs de recevoir un montage vidéo de ces cinq jours de randonnée, baignade dans des lacs de montagne et partages autour de l’évangile de Marc dans la bonne humeur. Cela fait deux ans que cette Vaudoise établie au-dessus de Bex avec son mari et ses deux enfants travaille à 30% pour le Pôle Jeunesse du Chablais vaudois. Un engagement qui sera mis à l’honneur lors d’un culte synodal à la cathédrale de Lausanne le 2 septembre: «Cela me fait plaisir qu’on reconnaisse publiquement mon ministère. Car, si je ne suis pas ministre, on me confie bien un ministère».

    Des compétences spécifiques

    Ociellement, Suzy Favre et les quatorze autres employés de l’Eglise évangélique réformée vaudoise (EERV) qui seront accueillis lors de la célébration portent le titre d’animateurs d’Eglise. Certains d’entre eux sont en fonction depuis plusieurs années, ce type d’engagement non consacré – contrairement à celui des pasteurs et des diacres – étant possible depuis dix ans. «Mais il a fallu du temps pour mettre en place toutes les modalités et une commission d’évaluation des candidatures», explique Anne Abruzzi.

    La présidente du Conseil synodal se réjouit de donner ainsi une existence plus ocielle à ces professionnels qui amènent d’autres compétences au sein de l’Eglise: «Des enseignants peuvent devenir aumôniers dans un gymnase, des infirmières aumônières dans un EMS». Une formation préalable est requise. Suzy Favre, détentrice d’un bachelor en travail social, est animatrice socioculturelle. A cette expérience professionnelle s’ajoute un complément en théologie que la Chablaisienne a pu commencer après son engagement auprès de Cèdres Formation. D’abord sans enthousiasme: «Je voulais être reconnue pour mes compétences professionnelles, pas être une mini-pasteure ou mini-diacre».

    A mi-chemin de ce parcours théologique, son regard sur cette formation a changé. L’étude du monde de la Bible lui a permis de mieux comprendre sa foi et accueillir les différentes façons de croire; les cours de missiologie, sur la vie de l’Eglise et d’éthique qui l’attendent lui donnent confiance pour la suite: «Je serai mieux outillée pour parler de la foi, accueillir ce que les jeunes viennent partager et les accompagner spirituellement».

    Il ne s’agit pas pour autant de faire concurrence à la pasteure même si leurs rôles se croisent parfois: Suzy Favre peut animer un temps de prière et sa collègue animer une activité sportive. Mais chacune a ses compétences propres, qui se complètent. «Nous n’exerçons pas le même métier», souligne l’animatrice d’Eglise. Qui tient aux spécificités du sien et s’intéresse aux formations continues de la Haute école spécialisée, non de la faculté de théologie. Et s’engage aussi dans des projets régionaux hors de l’Eglise.

    Travailler ensemble

    L’accueil de Suzy Favre et des autres animateurs d’Eglise marque une évolution dans l’histoire de l’EERV qui doit se transformer dans un monde toujours plus sécularisé (lire ci-contre); la participation aux cultes, et même aux services funèbres, diminue, et les Vaudois se réclamant protestants ne représentaient plus que 19,7% de la population en 2021 contre 28,6% dix ans plus tôt. «L’Eglise aujourd’hui, c’est plus que le culte du dimanche, constate Anne Abruzzi. Cela ne diminue en rien l’importance des pasteurs et des diacres, mais nous pouvons avoir de nouvelles vocations qui ont du sens, bénéficier de nouveaux profils et compétences.» D’autant plus que les vocations diminuent tant du côté des pasteurs que des diacres. Mais, ajoute la présidente de l’EERV, les animateurs d’Eglise «ne sont pas des bouchetrous». En revanche, ils peuvent décharger les ministres de certaines tâches. 

    Cette innovation peut toutefois ne pas faire l’unanimité dans une période où la façon d’être Eglise est remise en question et où l’EERV se trouve dans une nouvelle phase de transformation – la dernière réflexion ne datant que de vingt ans. «Pour le Conseil synodal, faire cohabiter les différents métiers d’Eglise est aussi un défi de cette législature 2019-2024.» A écouter Suzy Favre, installée à l’ombre d’un arbre devant sa maison en rénovation, la collaboration semble tout à fait possible. «A Aigle, je me sens intégrée. Je participe aux colloques et à la retraite des ministres, ils sont là si j’ai des questions sur la Bible par exemple et ils me consultent sur des questions d’accompagnement social», raconte-telle pleine de gratitude.

    Cela devrait se ressentir durant le culte synodal, lors duquel les pasteurs seront vêtus de noir et les diacres de blanc alors que les animateurs d’Eglise seront en civil. «Nous nous sommes préparés ensemble à cette cérémonie et j’ai senti une envie de collaborer. Nous voulons d’ailleurs être bénis tous ensemble en nous tenant par la main.»

     

    Rejoindre les gens

     

    «Le monde au cœur de l’Eglise»: c’est l’idée qui porte l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud dans sa réflexion sur le moyen de remplir sa mission – annoncer l’Evangile – et celles que l’Etat lui confie en matière de vie communautaire, de solidarité, de dialogue et de formation. Il ne s’agit donc plus de mettre l’Eglise au milieu du village. «Remplir les bancs des temples n’est pas la solution. Nous voulons rejoindre les gens là où ils sont», précise Anne Abruzzi. La présidente du Conseil synodal est convaincue qu’il «faut du nouveau». Parce que, si les gens s’éloignent du culte, le besoin de réponses spirituelles aux inquiétudes du temps est grand. Et «l’Eglise est pour moi un service à la population, un lien sociétal important». 

     

    Articles en relation


    S’aventurer en terre protestante

    Ils étaient une vingtaine, journalistes et écrivains catholiques, à se retrouver du 23 au 25 septembre dans la communauté monastique de Grandchamp, près de Neuchâtel, pour une retraite en silence sur le thème «En quête d’unité: une tension féconde» autour de l’abbé Pascal Desthieux et de la pasteure Marie Cénec.


    L’«Esprit sainf» à Lausanne

    A Lausanne, l’église Saint-François célèbre ses 750 ans! Depuis 2011, ses murs abritent un concept innovant: «l’Esprit sainf». Il a été imaginé par le pasteur Jean-François Ramelet. Rencontre.


    Invitée de Pâques: la pasteure Rita Famos

    Présidente de l’Eglise évangélique réformée de Suisse depuis le 1er janvier, Rita Famos est à l’écoute d’êtres humains en quête de Dieu. Et heureuse de leur annoncer ce message répété depuis deux millénaires: la mort n’a pas le dernier mot.

    Se connecter

    A lire dans l'Echo de cette semaine

    Le courrier du tsar

    28-11-2023

    Le courrier du tsar

    Il y avait du soleil et le chien du club s’appelait Dagobert. Au-dessus du chalet, le temps tournait parfois; les pages des livres, elles, sans cesse. Il y avait Fantômette...

    L’invité: François Dubois

    28-11-2023

    L’invité: François Dubois

    La crise économique n’épargne pas les seniors qui, la retraite arrivée, doivent revoir leur budget à la baisse. Directeur de Pro Senectute Arc Jurassien, François Dubois pointe les difficultés que...

    Tempête sur la tech

    28-11-2023

    Tempête sur la tech

    En l’espace de cinq jours, le limogeage brutal suivi du réengagement triomphal de Sam Altman à la tête de l’entreprise OpenAI, à l’origine de ChatGPT, a fait souffler un vent...

    L’école en continu a la cote

    28-11-2023

    L’école en continu a la cote

    Raccourcir la pause de midi sans renvoyer les écoliers chez eux et terminer plus tôt: l’idée fait son chemin en Suisse romande. Le syndicat des enseignants a dédié ses assises...

    Le portrait de l’Echo: Chantal Gabry

    28-11-2023

    Le portrait de l’Echo: Chantal Gabry

    Depuis bientôt dix ans, elle consacre une bonne partie de son temps aux jeunes mamans en difficulté de Fribourg tout en gérant le site Web de son ancienne paroisse en...

    Littérature pour enfants

    28-11-2023

    Littérature pour enfants

    Les livres jeunesse trouvent encore et toujours leur place au pied du sapin de Noël. Parce qu’ils sont de beaux objets qui misent sur l’image et parce que les adultes...

    Jubilons à «La Tchaux»!

    28-11-2023

    Jubilons à «La Tchaux»!

    La 75e Biennale d’art contemporain de La Chaux-de-Fonds a lieu au Musée des beaux-arts de concert avec un accrochage sur les natures mortes de Till Rabus. Cela fait assez de...

    Ouverture de l’Espace Zundel

    28-11-2023

    Ouverture de l’Espace Zundel

    Installé dans la chapelle Mon-Gré, sous la gare de Lausanne, la City Church-Espace Maurice Zundel offre depuis le 20 novembre temps de silence, de méditation et de prière, messes et...

    Un dimanche à la campagne

    28-11-2023

    Un dimanche à la campagne

    Frédéric Lopez bat des records d’audience avec la deuxième saison de son émission Un dimanche à la campagne. L’animateur et producteur a l’art de créer un cadre propice aux confidences...

     

    Essayez l'Echo sans compromis


    Recevez l'Echo à domicile GRATUITEMENT pendant 1 mois

    En savoir plus

     

    NEWSLETTER

    Inscrivez-vous à notre newsletter et recevez nos contenus et promotions en exclusivité!

    Je déclare avoir pris connaissance de la politique de confidentialité 


    Echo Magazine © Tous droits réservés