Avant moi, le déluge! Spécial
Cela nous concerne assez peu et, si on est tout à fait sincère, cela concerne assez peu les Britanniques eux-mêmes. On pouvait bien couronner un roi un samedi de mai, c’était pour beaucoup un samedi comme un autre. Dans les rues de Liverpool, des sportifs faisaient leur jogging et des jeunes femmes enterraient leur vie de jeune fille. Force est d’ailleurs de reconnaître que, à l’issue de la cérémonie du 6 mai, rien n’avait changé: il faisait toujours bon sur les rives de la Mersey, il pleuvait toujours à Londres, l’Angleterre était toujours en crise et l’inflation était toujours insupportable pour bien des gens.
Non, le couronnement de Charles III n’a pas changé la face du monde. Pourtant, même accueilli par certains avec autant d’indifférence qu’un 1er août dans nos contrées, cet événement joue un rôle essentiel pour notre compréhension du monde: ces vêtements d’un autre temps, cette pompe qui sort de l’ordinaire, ce cérémonial qui renaît et les objets régaliens séculaires nous rappellent que nous nous inscrivons dans une histoire.
Le couronnement de Charles III est une leçon d’humilité.
Or, nous vivons dans un temps persuadé de se suffire à lui-même et volontiers satisfait de sa triomphale fuite en avant – qu’il nomme progrès et n’attribue qu’à ses propres mérites. Un temps qui souffre d’un terrible syndrome de la page blanche: une volonté maladive de tout effacer pour ne laisser que sa signature au bout de son œuvre magistrale. «Avant moi, le déluge!», en quelque sorte. Tout est alors permis et l’on peut bien proposer de modifier les jours fériés pour les adapter à son goût.
Il y a eu un avant et il y aura un après nous; nous nous situons au cœur d’un long processus dont nous sommes le fruit sans en être l’aboutissement. En ce sens, le couronnement de Charles III n’est ni un événement mondain ni une question politique (dont ne se préoccupent que quelques républicains isolés): c’est une leçon d’humilité – y compris pour le roi qui à cette occasion dit venir, à la suite du Christ, non pour être servi mais pour servir – qui nous replace dans quelque chose de plus grand que notre petite existence. Ce rappel a du bon. Il faut en savoir gré à la monarchie britannique.
Articles en relation

Le couronnement vu de Liverpool
Le 6 mai, Charles III n’a pas suscité autant d’enthousiasme à Liverpool qu’à Londres. A 340 kilomètres de la capitale, la foule était clairsemée dans un espace appelé à être comble les jours suivants: le village de l’Eurovision.

God save the King
Ayant la lourde tâche de succéder à sa mère, l’icône planétaire Elizabeth II, le nouveau roi Charles III a promis de servir ses sujets toute sa vie. Mais qui est-il vraiment? Voici un portrait singulier bien loin des clichés véhiculés par la série The Crown.

God save The King
Il a 73 ans, et il est roi. Au moment même de la mort de sa mère, le prince Charles est devenu Charles III, proclamé souverain le 10 septembre. Succéder à Elizabeth II – qui l’a adoubé en lui confiant différentes missions ces dernières années et a souhaité que sa seconde épouse, Camilla, porte le titre de reine consort – est une tâche difficile tant la monarque a marqué son temps et les esprits.