France: les évêques sur la sellette Spécial
Au terme d’une assemblée plénière bouleversée à Lourdes, les évêques de France sont décidés à travailler avec le Saint-Siège pour établir des critères quant à la publication des faits et des sanctions. Ils mettront aussi en place un comité de suivi.
«Le Saint-Siège a besoin que chacun joue pleinement son rôle», a expliqué le président de la Conférence des évêques de France (CEF), Mgr Eric de Moulins-Beaufort, dans son discours conclusif de l’assemblée plénière d’automne des évêques de France le 8 novembre à Lourdes. Une délégation de l’épiscopat français se rendra bientôt à Rome pour travailler sur la question des abus avec les instances concernées.
«En raison même de la nature de leur charge apostolique, les évêques dépendent directement du Saint-Siège», assure l’épiscopat français dans un message intitulé Bouleversés et résolus, publié au terme de l’assemblée plénière. Assurant qu’il n’y a «pas d’impunité des évêques», il s’engage à «travailler avec le Saint-Siège aux clarifications et aux simplifications qui s’imposent».
«Nous allons agir auprès des dicastères romains concernés pour préciser les procédures, établir des critères plus précis quant à la publication des faits et des sanctions», a promis le président de la CEF dans le contexte de crise lié à la non-publication et à la légèreté de la sanction infligée à Mgr Michel Santier, ancien évêque de Créteil. Celui-ci a été astreint, en octobre 2021, à se retirer dans une communauté de religieuses pour avoir instrumentalisé le sacrement de confession aux dépens de deux jeunes majeurs dans les années 1990. Cette décision n’avait pas été rendue publique. La veille, Mgr de Moulins-Beaufort avait indiqué que onze anciens évêques étaient ou avaient été mis en cause dans des affaires d’abus dont le cardinal Jean-Pierre Ricard, ancien archevêque de Bordeaux.
Un comité de suivi
Ce dysfonctionnement majeur a amené les évêques de France à décider de mettre en place au niveau national un «comité de suivi auquel tout archevêque ou évêque ayant à traiter du cas d’un autre évêque pour des abus ou agressions sexuelles se référera afin d’être accompagné dans toutes les étapes de la procédure». Cet organisme veillera à l’application du motu proprio du pape François Vos estis lux mundi, qui porte sur la responsabilité des évêques quand ils sont mis en cause soit pour des accusations d’abus les concernant, soit pour le mauvais suivi d’une affaire concernant leur diocèse.
Il prévoit la prise en charge par l’archevêque métropolitain des dossiers impliquant un évêque de leur province. Mgr de Moulins-Beaufort a reconnu que dans ce type de procédure, «le regard de tiers manque», notamment pour conseiller l’archevêque dans son votum, la recommandation transmise au dicastère pour la Doctrine de la foi et au dicastère pour les Evêques. Le comité de suivi sera composé de personnalités qualifiées et indépendantes afin de limiter les risques de conflits d’intérêts.
La publication des sanctions, notamment vis-à-vis des victimes, est une demande fortement relayée par la CEF auprès de Rome dans la conscience de la «maturité du peuple de Dieu» dans sa compréhension des peines infligées à un prêtre ou à un évêque. Les responsables de la CEF ont aussi reconnu que «la foi des fidèles est heurtée lorsqu’un prêtre ayant abusé sexuellement d’une personne continue de célébrer l’eucharistie», ce qui est le cas de Mgr Santier, toujours autorisé à célébrer en privé. Les évêques ont enfin voté les statuts du tribunal pénal canonique interdiocésain qui devrait, après réception du visa du Tribunal suprême de la Signature apostolique, être mis en place début décembre.
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