Pas de retraite pour Sisyphe Spécial
On ne peut pas imaginer Sisyphe heureux. Rouler un rocher au sommet d’une montagne pour le voir ensuite dévaler la pente en sens inverse et reprendre sa position initiale n’a rien d’enthousiasmant. Sans compter qu’à la pénibilité morale due à la répétition de la tâche s’ajoute la pénibilité physique, lassitude et fatigue exigeant à la longue un surcroît d’effort.
Un effort plus important, plus coûteux, c’est la réalité des tentatives de révision de l’AVS. Trois échecs en vingt ans ont replacé le rocher des rentes au bas de la montagne du 1er pilier. En creusant, à chaque dégringolade, le sillon de ses perspectives financières. La pierre est ainsi devenue progressivement un peu plus lourde à pousser.
La pierre est ainsi devenue progressivement un peu plus lourde à pousser.
Les femmes ont raison de s’en plaindre, les hommes aussi. On entend relever l’âge de la retraite des premières, mais tous auront leur part, même les retraités: la hausse de la TVA, aussi insensible qu’on nous la promette, touchera tout le monde. Ces deux mesures ont un caractère égalitaire, c’est-à-dire injuste, mais rien de mieux n’a été sérieusement proposé jusqu’ici. Et les prochaines réformes, qui pourraient bien passer par une hausse des cotisations, rendront le mécontentement universel.
Si on ne peut pas imaginer Sisyphe heureux, c’est aussi parce que son travail ne lui ouvre aucune perspective, ne lui promet aucun repos. C’est à cette aune-là que doivent se mesurer l’effort qui nous est demandé et ceux qui suivront. Il est important que les travailleurs puissent croire en leur future rente et que les retraités voient arriver la fin du mois avec confiance. Leur dignité vaut bien quelques efforts; à cela tient la force d’un système qui se veut solidaire. Et c’est pourquoi le 1er pilier est précieux entre tous.
Bien sûr, si elle est acceptée le 25 septembre, la révision de l’AVS ne retiendra pas le rocher au sommet de la montagne; il continuera de redescendre tous les cinq ou dix ans, au gré de l’évolution démographique et de la relation au travail. Il faudra le pousser à nouveau, mais le chemin sera un peu moins long que s’il retrouve son point de départ. Il restera alors au monde politique à trouver un moyen de rendre le poids du rocher supportable à tous en protégeant ceux qui, toute une vie de salarié durant, auront porté un fardeau plus lourd que les autres.
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